Part. 1 : Zilina, Slovaquie
Vendredi 22 novembre 2024 :
Le marathon des compétitions est lancé ! Après le championnat de France la semaine dernière, c’est en Slovaquie que nous avons rendez-vous ce week-end. Pas moins de 14 heures de route et 4 pays nous séparent de notre point de chute. Nous partons en comité restreint cette-fois, avec Pack, Mehdi et Basile, mais plus que jamais motivés à ouvrir les hostilités internationales.
Les routes suisses sont bien enneigées mais ça ne semble pas perturber Mehdi, qui conduit avec la délicatesse d’un rugbyman néo-zélandais. Les playlists Deezer défilent, à mesure que les kilomètres s’avalent, sur le poste du minibus.
Samedi 23 novembre 2024 :
Surtout, ne pas se faire aspirer par le stress. Je me répète en boucle ce leitmotiv que le doyen de l'équipe ne cesse jamais de me répéter à l’entraînement : “Pas de place aux doutes”. J’apprends mes voies de qualifications par cœur et tente de me mettre dans une bulle. Cet exercice, que je maîtrise pourtant bien au quotidien, apparaît comme une véritable difficulté. Je lutte contre moi-même. J’ai envie de sourire, de discuter et de rigoler, j’ai envie d’écrire, de lire et de me disperser… mais je reste concentrée. Mon téléphone est éteint. J’ai envie de le rallumer pour lire les messages d’encouragement et de soutien de la famille et des copains… mais il reste éteint et ma concentration demeure intacte.
Je jette un oeil attentif à l’évolution de la team France en essayant de ne pas faire éponge sur leur propre stress. Pour ce point, c’est raté. J’ai une boule au ventre en voyant Pack puis Mehdi grimper, qui finit par se dénouer lorsqu’ils topent leur voie.
Je me sens plutôt bien dans ma grimpe même si le stress me fait serrer les piolets beaucoup plus fort qu’il ne le faudrait. Après les deux voies de qualification, je suis surprise d’apprendre que je passe en finale (8ème et dernière qualifiée). Cette première expérience va être incroyable, l’excitation est à son comble. J’apprends, pour mon plus grand bonheur, que toute la team France est qualifiée en finale. Le boulot est fait, il ne reste plus qu’à profiter ! Au final, je termine à la sixième place de cette première coupe d’europe avec le sentiment d’avoir fait un premier pas de géant dans la cour des grands !
 |
Pack dans sa voie de qualif |
Part. 2 : Bern, Suisse
Samedi 30 novembre 2024 :
Si je devais résumer le week-end en quelques mots…
Je choisirais le mot “partage” parce qu’il embellit chaque instant, que ce soit sur le trajet, au moment de grimper ou en fin de soirée.
Je sélectionnerais le mot “soutien” pour ce qu’il a de rassurant. Un message, un regard, une présence… pour se sentir moins seule en isolement.
Je continuerais avec le mot “extraordinaire” pour ce qu’il laisse de souvenirs et le mot “surprise” pour ce qu’il réserve d’inattendu.
J’évoquerais le mot “pression” puisque c’est le jeu de la compétition et le mot “appréhension” qui se passe d’explications.
Je penserais au mot “récompense”, pour son éphémère apaisement, après tant d’heures d’acharnement.
Je mentionnerais le mot “fierté”, si difficile soit-il à éprouver, mais lu dans les yeux de ses alliés.
Je citerais le mot “virgule”, pour la suite qu’elle prescrit
et je conclurais avec le mot “trèfle” pour les bienfaits de ses quatre-feuilles.
En finale de cette deuxième coupe d'Europe. Résultat : 8ème.

Part. 3: Brno, République Tchèque
Vendredi 6 décembre 2024 :
Chaque aventure a son lot de surprises. Celle-ci n’a pas échappé à la règle. Après 15 heures de route, le airbnb initialement réservé nous pose un lapin. C’est ainsi que six épaves - Milan, Basile, Mehdi, Pack et moi - échouèrent dans une salle d’escalade tchèque qui fera office d’hôtel pour la nuit. Sans casserole ni gaz pour faire cuire nos pâtes, le McDonald’s du coin nous sauve la mise. On a connu plus optimisée comme veille de compétitions… Qu’importe, en si bonne compagnie, il peut tout arriver !
Samedi 7 décembre 2024 :
Au réveil, nos visages dépités en disent long sur la nuit que nous venons de passer. Le rhume que j’ai attrapé n’y est pas pour rien, les gars ont eu droit à un concerto nocturne. La journée va être longue !
Chaque voie est un combat durement mené. On se bat tantôt contre la montre, tantôt contre la gravité. Certains regards rassurent et sont souvent les derniers avant de se retrouver seule face au mur. Rester concentrée jusqu’au relais, éviter à tout prix de chuter…
Finalement, une bonne étoile semble m'accompagner puisque je passe encore en finale (de justesse une nouvelle fois). Je me demande bien où je vais puiser l’énergie pour mener à bien l’ultime combat. Quoiqu’il en soit, je suis vraiment reconnaissante de rentrer pour la troisième fois d’affilée dans le carré final et j’en profite doublement pour les copains qui n’ont pas eu cette chance. Une chute prématurée viendra écourter la bataille mais la guerre n’est pas finie. Je rentre plus motivée que jamais. La suite dans une semaine…
Part.4 : Utrecht, Pays-Bas
Samedi 14 décembre
C’est le quatrième week-end d'affilée que nous traversons le continent, en direction du Nord cette fois. Au fil des semaines, le minibus a été déserté (pour cause de maladie, de fatigue ou de panne de réveil) et compte maintenant plus de places vides que de places occupées. Malgré les sous-effectifs, Pack, Mehdi et moi sommes surmotivés à l’idée de boucler de la meilleure des manières la première partie de la saison. Il faut dire que le rythme a été intense, les émotions fortes et les résultats plutôt encourageants. Charline et Pierrot viennent renforcer la team pour l’occasion.
Le mur d’Utrecht est beaucoup plus court que ce que nous avons l’habitude. Les voies sont intenses dès le premier mouvement et ne pardonnent aucun cadeau. Il faut réussir à se mobiliser au bon moment, sous peine de revenir au sol plus rapidement que prévu. Les grimpeurs qui ouvrent le bal en payent les frais. Peu de compétiteurs atteignent le haut des voies. Les voies des garçons comptent des mouvements très aléatoires tandis que celles des filles sont beaucoup plus physiques que d’habitude. La pluie est de la partie mais il en faut plus pour nous décourager. Les grimpeurs défilent chacun leur tour dans leur deux voies de qualification.
A la surprise générale, mon nom figure à la quatrième position sur la fiche de résultats provisoires. Le ticket en finale est pris, il va falloir l’assumer ! Mehdi se qualifie aussi en finale et Pack et Pierrot passe de peu à côté.
La compétition a parfois des airs de roulette russe, aléatoire et injuste pour ceux qui se sont lancés corps et âmes dans cette épopée. Sans rattrapage, ni seconde chance, une erreur est vite arrivée. Ici, pas de sentiments ni de méritocratie. Un chiffre pour prénom et des adversaires pour compagnie.
A la fin, ce ne sont pas les efforts qui sont récompensés mais bien un score sur un papier. Ce monde où le plus méritant peut être dernier et où le moins exemplaire peut briller. On dit “que le meilleur gagne” mais si pour gagner il faut être con-centré, je préfère ne jamais bousculer ce haut de panier.
 |
Mehdi dans la voie de finale |
Part.5 : Sunderland, Angleterre
Dimanche 9 décembre
Parce que les photos parlent d’elles-même et que je ne veux pas choisir les mauvais mots pour décrire ce qu’il s’est passé, je m’abstiendrai de commentaires. Les planètes se sont alignées, les heures d’entraînement ont payé, preuve que le dicton “quand on veut, on peut” s’approche de la vérité ! Je prends la deuxième place de cette étape de Coupe d'Europe et monte sur la troisième marche du podium du Classement Général 2024-25.
Merci la vie et merci à toutes les personnes grâce à qui j’en suis là aujourd’hui.
 |
Podium du général |
 |
Podium de l'étape de Coupe d'Europe |
En guise de conclusion :
Depuis six mois, un bout de chemin a été parcouru. Aussi fou que cela puisse paraître, j’ai atteint les finales de chaque coupe d’europe et me suis battue pour les copains qui n’ont pas toujours eu cette chance. Le retour à la maison est un mélange de soulagement et de nostalgie, après ces montagnes russes émotionnelles. Un condensé d’apprentissages épuisant à gérer et difficile à combiner avec le reste. Il a fallu ruser pour ne pas déserter les bancs de la fac, ou en tout cas pas trop longtemps ! Mon semestre repose sur une vingtaine de jours en présentiel tout au plus, soit beaucoup beaucoup beaucoup de cours à rattraper.
J’ai eu la chance de sillonner les routes de l’Europe avec des personnes extraordinaires. Pays après pays, kilomètre après kilomètre, les centaines de discussions ont effacé les frontières qui nous séparaient encore. J’ai trouvé des amis, des grands frères à qui se confier, et même un deuxième papa sur qui me reposer. Leur compagnie a embellit chaque instant et leur soutien sans faille m’a sans cesse portée, même sous 40° de fièvre !
La compétition est un art que je ne maitrise pas encore, celui d’être présente à l’instant T et de faire taire ses milliards de pensées. C’est un cheminement compliqué. Pour le moment, la tenue de route est fébrile, les pneus sont lisses et les virages glissants. Il faut accepter de lâcher prise sans les lâcher, d’avancer sans se précipiter et de prendre des risques sans tomber. Autant de curseurs difficiles à placer, surtout quand l’expérience manque à l’appel. C’est parfois compliqué d’accepter que le poids des années ne peut pas s’acheter, qu’il faut rivaliser sans les mêmes armes et se battre sans les bienfaits du temps. Tenter de rattraper un wagon parti trop vite.
Dans cette course contre la montre, j’ai la chance d’être épaulée par les meilleurs compagnons de cordée, forgés par les or-âge et les temp-êtes, apaisés pour ne plus rien avoir à prouver. Les mêmes, qui n’ont plus peur de grandir parce qu’ils sont déjà vieux et qui, par milliers, ont des histoires à conter.
Et si cette quête semble utopiste, que les efforts déployés sont disproportionnés pour les fruits récoltés, on ne pourra au moins se reprocher, de ne pas avoir tout donné.