Grand Dièdre - Pic des Spijeoles

Après plus de six mois loin de la maison, j'avais hâte de regrimper sur les plus belles montagnes du monde ! Ce fut l'occasion parfaite pour réaliser un projet qui avait été épinglé à l'interminable liste d'attente des voies pyrénéennes à visiter : le Grand Dièdre au Pic des Spijeoles, un incontournable du Luchonnais.

Ce projet avait été initié par Claude au détour d'une conversation deux années auparavant. Le planning des un(e)s et les blessures des autres repoussant sans cesse le week-end, nous n'avions jusqu'alors trouvé aucune disponibilité commune. Par magie, les étoiles se sont alignées et nous avons convenu du samedi 20 août comme date d'ascension. 

Au passage, la cordée s'est agrandie et c'est à six que nous entamons l'approche ce vendredi jusqu'à la Coum de l'Abesque où nous bivouaquerons ce soir.

Le soleil perd de la hauteur et fait brusquement chuter les températures : les doudounes ne sont pas de trop, les gants non plus ! Nous partons nous coucher après avoir avalé quelques cuillères de lyophilisés (qui ne font pas l'unanimité) et une gorgée de tisane.

Le réveil retentit. L'écran de mon téléphone indique 5h30 et les premières lueurs du jour sont perceptibles au loin dans la vallée. Sortir du duvet est définitivement l'épreuve la plus rude de la journée. La petite troupe s'active, fait le plein d'eau, avale son p'tit dej, organise son sac et se met en route. Le faisceau de nos frontales guident nos pas dans l'obscurité, nous prenons de la hauteur sur les lacets en contre-haut du lac de Saussat.

La face nord-est des Spijeoles est bientôt visible. La voie que nous allons emprunter est pour le coup très logique et suit la ligne de faiblesse verticale et directe qui débouche à 20 mètres à gauche du sommet. Nous décidons de contourner la barre de schistes rouges qui mène au pied de notre voie par la droite. De là, 350m nous séparent du sommet. Les cordées se forment et après un petit incident (qui sera passé sous silence pour protéger l'intégrité du coupable ;) , j'entame la cheminée de la première longueur. Claude et maman me rejoignent aussitôt. Papa prend le lead de la seconde cordée et est immédiatement rattrapé par Léna et Jérome. A plusieurs reprises, nous tirons de belles envolées de 50 mètres. Les vieux pitons en place, sans être abondants, nous indiquent l'itinéraire et sont même rassurants lorsque certains pas de IV+ nous surprennent. Des cheminées malcommodes et difficilement protégeables ralentissent de temps à autre notre progression mais rien n'altère la bonne humeur qui plane sur l'équipe. Nous ne ferons certainement qu'une seule fois cette voie dans notre vie et comptons bien en profiter ! 

Il devient tellement rare de trouver des itinéraires de montagne non (ou peu) aseptisé que je réalise la chance que nous avons de pouvoir grimper dans cet endroit encore préservé, à l'abri des foules et de ce besoin permanent de rendre accessibles des lieux qui ne sont pas fait pour l'être. Aucun équipement moderne n'est en place, pas même l'ombre d'un petit spit ! Ravie de pouvoir naviguer là où le rocher me mène, je suis presque étonnée de ne pas m'égarer. C'est aux alentours de 15h que je fais mon dernier relais, à quelques dizaines de mètres  du sommet. Cette neuvième et dernière longueur nécessite jusqu'au bout de l'attention puisqu'une chute de pierre atterrirait sans aucun doute sur la cordée du dessous. 

Finalement, nous sommes à 16h au sommet, "tout sourire" pour la photo-souvenir. 


Je suis heureuse d'avoir pu accompagner des gens formidables qui ont réalisé leur objectif, repousser leurs limites ou juste pris énormément de plaisir parce que c'est bien ça le plus important ! Ce n'est pas pour rien que cette voie est répertoriée parmi les 100 plus belles courses des Pyrénées (ouvrage de Bellefon). Chargée d'histoire, elle nous aura plongés au coeur du vingtième siècle, dans les pas de nos prédécesseurs qui, sans le moindre artifice, nous ont courageusement et héroïquement ouvert la voie.

Merci Claude pour cette idée génialissime !