16/02/2020 : Avalanche à Crévoux

 Mardi 16 février :

Il est 14h30 et ce mardi a tout d'une journée parfaite. Un réveil matinal, une marche d'approche dans la bonne humeur, de la grimpe au soleil, dans un endroit magnifique, accompagné de personnes qu'on apprécie ou même qu'on admire... De longues et belles voies, des ancrages de plus en plus béton et des broches qui s'ancrent de mieux en mieux... Les progrès sont présents chez tout le monde, ce qui participent à la motivation grandissante du groupe.

Ce n'est que le deuxième jour de stage mais les liens tissés sont déjà importants, à l'image de ceux qui unissent une cordée.

La cascade du Razis à Crévoux nous réussit plutôt bien et les sourires sont au rendez-vous.

Tous les ingrédients sont réunis pour profiter de cette journée qui s'apparente être parfaite !

Peut-être que tout était un peu trop parfait pour le rester ? Ou peut-être encore que la montagne jalousée de cette perfection et voulait nous rappeler que c'était elle la véritable responsable de cette joie collective ?!

C'est à ce moment là que tout vira au cauchemar.

A l'origine, juste une coulée de neige qui tomba du haut de la cascade.

Elles étaient nombreuses depuis le début de la journée mais ne duraient jamais longtemps ! Personne n'a donc était très surpris au départ.

Pourquoi cette coulée ne s'est-elle pas arrêtée aussi vite que les autres ?

À partir de là, tout va très vite mais paraît pourtant durer une éternité ! Un sentiment étrange... comme une deuxième facette qui se dévoile de nos personnes. Celle qui te fait passer en mode "survie", celle oú la précipitation et le stress l'emportent sur la réflexion et le calme, celle qui ne laisse pas la place à la peur et qui te donne une force incroyable pour agir.

Le temps est long ! Les secondes durent des minutes et les minutes des heures.

Il me faut un moment pour comprendre ce qu'il se passe ! Quelques instants de lucidité... J'arrive à me mettre à l'abri sous un caillou et évite l'ensevelissement de peu. Je vois la neige déferler à quelques mètres de moi. Elle ne s'arrête pas ! 1m, 1m50, 2m... Je ne compte plus.

Je reprends mes esprits... et merde, personne n'a le DVA sur lui. J'attrape mon sac - heureusement proche de moi - et rallume mon ARVA que j'enfile avec rapidité. La neige continue de s'écouler. C'est interminable. J'ai le temps de sortir ma sonde ainsi que ma pelle.

La neige cesse peu à peu de tomber.

Je peux enfin lever la tête pour la première fois depuis plusieurs minutes. J'aperçois des têtes familières, ce qui me rassure : Pauline, Sophie, Coco, Charles, Julien... Je vois aussi lara, perchée à une dizaine de mètres du sol, sans assureur...

Tout se mélange dans ma tête. La seule chose à laquelle je pense, c'est aux gens qu'il y a dessous. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Tout le monde l'ignore.

Je ne suis pas à ma première recherche de victimes en avalanche sauf que d'habitude, c'est un entraînement ! Je n'aurais jamais pensé devoir sonder autre chose qu'un fichu sac plastique rempli d'un DVA. Même si nous réalisons ces exercices avec sérieux, tout est différent dans la réalité. Tout est surtout plus compliqué ! Les gestes automatisés reviennent mais des détails passent à la trappe.

Le sondage commence... les gants !! En vitesse, j'enfile des gants et recommence à sonder. Certains craignent une sur-avalanche. Moi, je n'y pense pas. La seule chose qui m'obsède est de retrouver les personnes ensevelies. De ce que j'entends, charlotte est sous la neige. Alex aussi. D'autres affirment que plus de deux personnes sont recouvertes... mais qui sont-elles ??

Lara recompte l'équipe à plusieurs reprises. Charles et julien font de même. Des groupes que nous ne connaissons pas grimpaient sur le secteur. Est-ce que certains d'entre eux sont en dessous ??

Assez vite, une première victime est sondée. C'est Alex ! Juste le temps de lui découvrir la bouche et il nous annonce que charlotte est à côté de lui. Ouf. Premier soulagement.

Pourtant, cela n'a que très peu d'effet sur moi.

Bien-sûr, je suis soulagée que Charlotte et Alex soient retrouvés mais il reste apparemment d'autres personnes dessous.

Un long moment de flottement commence alors... Le pire pour moi ! Un sentiment d'impuissance, celui de ne pas pouvoir trouver une personne qui se trouve potentiellement à quelques mètres sous tes pieds, celui de ne pas pouvoir mettre en application la recherche dva que tu maîtrises sur le bout des doigts (puisque personne n'est équipé), celui de ne pas pouvoir sonder correctement car la longueur des sondes ne nous permet pas d'atteindre le sol... pour ne rien arranger, la peur de sortir quelqu'un déjà décédé ne fait qu'accroître avec les minutes qui passent !

Au fur et à mesure, nous arrivons de mieux en mieux à réfléchir et chaque groupe peut faire l'appel.

Lara, située en contre-haut de la scène, prend naturellement la place de leader et coordonne les recherches. Charles, quant à lui, est parti trouver le réseau pour joindre les secours.

Après 20 bonnes minutes de recherche, la possibilité qu'il reste quelqu'un sous la neige s'efface peu à peu : tous les groupes semblent au complet.

Quelques sourires apparaissent de nouveau sur les visages, les victimes sont saines et sauves, le destin décide de nous laisser un peu de répit et la montagne reprend son calme. Un calme effrayant après ces longues minutes de cauchemar.

La pression accumulée a été énorme. La peur aussi.

Difficile de raconter ce qu'il s'est passé à papa au téléphone alors que tout est encore si frais. Lui aussi semble bouleversé. Je n'appelle pas maman pour ne pas l'affoler.

Évidemment, je suis vraiment soulagée que tout le monde aille bien mais la prise de conscience post-accident n'est pas évidente.

Nous sommes passés tellement près de la catastrophe ! Et si la montagne avait estimé que nous devions y passer ?

Sans s'en rendre compte, nous avions joué sur la frontière de la vie et la mort.

Nous savons pourtant que la montagne est un milieu que l'homme ne maîtrise pas, l'un des rares d'ailleurs ! En côtoyant les cimes, nous acceptons une part de risque que nous envisageons.

Aujourd'hui, cette coulée dramatique n'avait été envisagée par aucun d'entre nous et nous nous sentions tous en sécurité. Personne n'aurait pensé qu'un accident aurait pu se produire sur un site école, là où de nombreux guides emmènent leurs clients depuis plus de trente ans !

Cette expérience marquera toutes les personnes présentes pendant le drame mais servira de leçon ! Le principal est évidemment que tout le monde se porte bien.

Le débrief du soir permettra à chacun de s'exprimer. Dans ces moments-là, savoir que d'autres personnes comprennent notre mal-être est primordial.

Il était aussi important de rassurer Charles et Lara qui se sentaient responsables de l'accident. Un drame comme celui-ci ne peut pas reposer sur les épaules de deux personnes et il y a surtout une grosse part de malchance dans cette histoire.

Le temps s'occupera d'effacer les images de l'accident ainsi que le bruit de l'avalanche qui tourne en boucle dans la tête chaque nuit !

La fin de semaine bien remplie nous a permis de penser à d'autres choses mais il faudra parcourir un long chemin avant de pouvoir définitivement tourner la page !



Stage d'hiver 4 - Lycée

 Lundi 3 février :

Départ sous la neige à Courchevel. Le risque avalancheux est encore une fois élevé : risque 4 d'après le BRA. Nous faisons donc la trace dans la forêt à travers les sapins. Au bout d'une heure, tout le monde est trempé. La mission est donc de trouver un abri. Au bout de 600md+, nous nous arrêtons sur des tables de pique-nique abritées de la neige. Le luxe !
Après le repas, nous montons 200m de plus en guise de digestion. Aller plus haut serait inconscient et nous avons déjà beaucoup de chance de pouvoir skier en risque 4 avec un engagement qui est minime mais non négligeable. Les deux règles du jour sont : ne pas dépasser les pentes supérieures à 25° et ne pas dépasser les 2000m d'altitude. Nous atteignons donc les limites fixées et après quelques entraînements DVA, nous descendons rejoindre le bus. La neige est lourde et les cuisses le resSentent ! La météo devrait aller en s'améliorant pour le bonheur de la tribu !





Mardi 4 février :

Une nouvelle fois, le départ s'effectue sous la neige. Très vite, les flocons se transforment en gouttes d'eau et c'est partie pour une looooongue douche jusqu'à 15h. Mais qu'importe, rien ne peut venir entraver la bonne humeur et la motivation d'une bande de copains sur des skis ! Rien... à part de la neige humide qui nous fait botter à chaque pas. Nos skis ne touchent même plus le sol ! Au bout de 700m de d+ nous faisons demi-tour. Nous passerons la fin de journée à parler nivologie et prise de décision et rentrerons au lycée après une bonne sieste.


Mercredi 5 février :

Direction Val Thorens. L'objectif du jour est de faire le Mont de la Chambre en partant de Val Thorens. Cela va nous permettre de monter peu (800m d+) mais de descendre beaucoup (1000m d-) sur la station des Ménuires.
La première heure, tout se passe pour le mieux. Nous adoptons un rythme tranquille qui nous permet de papoter. Du coup, les blagues fusent et le temps passe vite ! Cependant, nous gagnons de l'altitude et le risque avalancheux nous rappelle à l'ordre. Nous évitons au mieux les pentes raides afin de limiter le risque. Un espace est établi entre chacun de nous et nous avançons dans une neige encore très humide. Pour le moment, tout se passait plutôt bien. Jusqu'à ce que nous arrivions sur l'arrête sommitale et que le vent se lève. Les choses sérieuses ont commencé. Les règles sont simples : avancer coûte que coûte les uns derrière les autres. Des rafales à 90km/h nous couchent plusieurs fois et de longs combats s'en suivent pour se relever. Dans ces moments là, toutes les émotions "superficielles" s'évaporent. Les plus importantes restent : l'appréhension, l'instinct de survie et l'inquiétude pour le reste de l'équipe. Le temps est lui aussi différent. Tout paraît long. Même très long. Je suis donc incapable de dire combien de temps à durer notre combat mais après en avoir discuté tous ensemble, nous pensons avoir passé 20 bonnes minutes à lutter contre le vent. Heureusement, la cabane de pisteur à proximité du sommet est ouverte et nous pouvons y trouver refuge. Là, certains mangeront leur pique nique tandis'que d'autres opteront pour une petite sieste. La descente se déroulera sans encombre.
Pour tous, cette journée aura été très formatrice et nous permettra de mieux gérer une situation similaire dans le futur.









Jeudi 6 février :

Le ciel est plus dégagé que les jours précédents mais reste bien nuageux. Nous partons des Menuires et irons jusqu'à Saint Martin de Belleville. Les cuisses tirent après ces quatre semaines en montagne et la petite montée sur la piste bleue presque plate convient à tout le monde. Après 700m de d+, nous nous jetons sur nos pique niques. Ensuite, notre guide Tibault fait un point sur le manteau neigeux actuel et sa solidité. Rien de mieux qu'une coupe pour étudier la neige. La descente s'effectuera sans problèmes et nous serons tous contents d'être en vacances ! La montagne, ça fatigue !! 







Bilan sportif depuis noël : 13739m de d+ et 171km