Aiguille de Capdedon - Belledonne

Il est 21h et il fait maintenant nuit depuis plusieurs heures. Le sommeil peine à m'emporter alors qu'Hugo et Tim, allongés à côté de moi, dorment profondément. Dans cette immensité, nous sommes réduits à presque rien. La montagne nous ramène fondamentalement à ce que nous sommes. Chaque instant nous rappelle un peu plus à quel point notre existence est précaire. Quelle est notre place dans l'humanité ? En regardant le ciel, je me rends compte qu'elle est aussi infime qu'une étoile l'est pour l'univers.

La question n'est pas de savoir laquelle brille le plus. La beauté d'une étoile réside surtout dans les liens qu'elle tisse avec ses voisines et qui forment de fabuleux dessins dans le ciel. Que serait l'étoile polaire sans la Petite Ourse ?

Seul le bout de mon nez peine à se réchauffer. Enfouie dans mon gros duvet, je pianote ces quelques phrases pour ne pas oublier. Ne pas oublier à quel point ces moments simples me remplissent de bonheur, à quel point j'ai de la chance d'être là.
Douze heures plutôt, nous partions du Col du Glandon dans le massif de Belledonne en direction des petites aiguilles de l'argentière. Nous n'avions alors aucune certitude des conditions en altitude. Neige ? Glace ? Rien du tout ? Il fallait vérifier !

Sous le soleil levant, nous prenons doucement de la hauteur. L'horizon qui à mesure que nous avançons se dégage, nous offre un panorama à couper le souffle : Mont-Blanc, Aiguilles d'Arves, Étendard, Meije...
Deux heures plus tard, nous sommes encordés. 
Il est maintenant temps de zigzaguer côté sud puis côté nord, de poser ses pieds sur le rocher puis dans la neige, d'avoir chaud puis froid... Ces conditions mi-automnales mi-hivernales donnent une autre ampleur à cet itinéraire qui en été, est parcouru par une ribambelle d'alpinistes plus ou moins expérimentés. La neige cache les vieux pitons qui balisent normalement le parcours mais permet néanmoins de stabiliser les roches branlantes qui bordent l'arête. Il faut dire que sans neige, nous pouvons vite nous retrouver sur des gros cairns instables. La médiocre réputation du rocher belledonnien n'est pas une légende !

Il nous faut trois heures pour atteindre le sommet de l'aiguille de Capdedon. Quatre rappels nous permettent d'atteindre la brèche du Pignollet. 


Il faut se rendre à l'évidence, la suite de l'arête est bien trop enneigée pour espérer continuer sans exploser l'horaire. Nous préférons bifurquer à cet endroit pour trouver notre lieu de bivouac. Il ne faut pas trainer, les journées se raccourcissent.

Nous posons notre bâche sur un replat abrité du vent et entamons le seul et unique repas de la journée. L'occasion pour nous d'admirer ce spectacle coloré et de prendre quelques clichés.


L'obscurité s'installe et les étoiles éclosent une à une dans la pénombre. Les discussions philosophiques peuvent commencer.
Chanceux, nous sommes arrosés par une pluie d'étoiles filantes. Les voeux fusent ! Sereins et apaisés, la journée se clôture sur un p'tit "bonne nuit les gars". Il est temps de dormir.

Il est maintenant 22h. Je n'ai toujours pas trouvé le sommeil mais il sera maintenant impossible d'oublier ces instants de pur bonheur.
Merci les gars !