Aiguille de Capdedon - Belledonne

Il est 21h et il fait maintenant nuit depuis plusieurs heures. Le sommeil peine à m'emporter alors qu'Hugo et Tim, allongés à côté de moi, dorment profondément. Dans cette immensité, nous sommes réduits à presque rien. La montagne nous ramène fondamentalement à ce que nous sommes. Chaque instant nous rappelle un peu plus à quel point notre existence est précaire. Quelle est notre place dans l'humanité ? En regardant le ciel, je me rends compte qu'elle est aussi infime qu'une étoile l'est pour l'univers.

La question n'est pas de savoir laquelle brille le plus. La beauté d'une étoile réside surtout dans les liens qu'elle tisse avec ses voisines et qui forment de fabuleux dessins dans le ciel. Que serait l'étoile polaire sans la Petite Ourse ?

Seul le bout de mon nez peine à se réchauffer. Enfouie dans mon gros duvet, je pianote ces quelques phrases pour ne pas oublier. Ne pas oublier à quel point ces moments simples me remplissent de bonheur, à quel point j'ai de la chance d'être là.
Douze heures plutôt, nous partions du Col du Glandon dans le massif de Belledonne en direction des petites aiguilles de l'argentière. Nous n'avions alors aucune certitude des conditions en altitude. Neige ? Glace ? Rien du tout ? Il fallait vérifier !

Sous le soleil levant, nous prenons doucement de la hauteur. L'horizon qui à mesure que nous avançons se dégage, nous offre un panorama à couper le souffle : Mont-Blanc, Aiguilles d'Arves, Étendard, Meije...
Deux heures plus tard, nous sommes encordés. 
Il est maintenant temps de zigzaguer côté sud puis côté nord, de poser ses pieds sur le rocher puis dans la neige, d'avoir chaud puis froid... Ces conditions mi-automnales mi-hivernales donnent une autre ampleur à cet itinéraire qui en été, est parcouru par une ribambelle d'alpinistes plus ou moins expérimentés. La neige cache les vieux pitons qui balisent normalement le parcours mais permet néanmoins de stabiliser les roches branlantes qui bordent l'arête. Il faut dire que sans neige, nous pouvons vite nous retrouver sur des gros cairns instables. La médiocre réputation du rocher belledonnien n'est pas une légende !

Il nous faut trois heures pour atteindre le sommet de l'aiguille de Capdedon. Quatre rappels nous permettent d'atteindre la brèche du Pignollet. 


Il faut se rendre à l'évidence, la suite de l'arête est bien trop enneigée pour espérer continuer sans exploser l'horaire. Nous préférons bifurquer à cet endroit pour trouver notre lieu de bivouac. Il ne faut pas trainer, les journées se raccourcissent.

Nous posons notre bâche sur un replat abrité du vent et entamons le seul et unique repas de la journée. L'occasion pour nous d'admirer ce spectacle coloré et de prendre quelques clichés.


L'obscurité s'installe et les étoiles éclosent une à une dans la pénombre. Les discussions philosophiques peuvent commencer.
Chanceux, nous sommes arrosés par une pluie d'étoiles filantes. Les voeux fusent ! Sereins et apaisés, la journée se clôture sur un p'tit "bonne nuit les gars". Il est temps de dormir.

Il est maintenant 22h. Je n'ai toujours pas trouvé le sommeil mais il sera maintenant impossible d'oublier ces instants de pur bonheur.
Merci les gars !


Grand Dièdre - Pic des Spijeoles

Après plus de six mois loin de la maison, j'avais hâte de regrimper sur les plus belles montagnes du monde ! Ce fut l'occasion parfaite pour réaliser un projet qui avait été épinglé à l'interminable liste d'attente des voies pyrénéennes à visiter : le Grand Dièdre au Pic des Spijeoles, un incontournable du Luchonnais.

Ce projet avait été initié par Claude au détour d'une conversation deux années auparavant. Le planning des un(e)s et les blessures des autres repoussant sans cesse le week-end, nous n'avions jusqu'alors trouvé aucune disponibilité commune. Par magie, les étoiles se sont alignées et nous avons convenu du samedi 20 août comme date d'ascension. 

Au passage, la cordée s'est agrandie et c'est à six que nous entamons l'approche ce vendredi jusqu'à la Coum de l'Abesque où nous bivouaquerons ce soir.

Le soleil perd de la hauteur et fait brusquement chuter les températures : les doudounes ne sont pas de trop, les gants non plus ! Nous partons nous coucher après avoir avalé quelques cuillères de lyophilisés (qui ne font pas l'unanimité) et une gorgée de tisane.

Le réveil retentit. L'écran de mon téléphone indique 5h30 et les premières lueurs du jour sont perceptibles au loin dans la vallée. Sortir du duvet est définitivement l'épreuve la plus rude de la journée. La petite troupe s'active, fait le plein d'eau, avale son p'tit dej, organise son sac et se met en route. Le faisceau de nos frontales guident nos pas dans l'obscurité, nous prenons de la hauteur sur les lacets en contre-haut du lac de Saussat.

La face nord-est des Spijeoles est bientôt visible. La voie que nous allons emprunter est pour le coup très logique et suit la ligne de faiblesse verticale et directe qui débouche à 20 mètres à gauche du sommet. Nous décidons de contourner la barre de schistes rouges qui mène au pied de notre voie par la droite. De là, 350m nous séparent du sommet. Les cordées se forment et après un petit incident (qui sera passé sous silence pour protéger l'intégrité du coupable ;) , j'entame la cheminée de la première longueur. Claude et maman me rejoignent aussitôt. Papa prend le lead de la seconde cordée et est immédiatement rattrapé par Léna et Jérome. A plusieurs reprises, nous tirons de belles envolées de 50 mètres. Les vieux pitons en place, sans être abondants, nous indiquent l'itinéraire et sont même rassurants lorsque certains pas de IV+ nous surprennent. Des cheminées malcommodes et difficilement protégeables ralentissent de temps à autre notre progression mais rien n'altère la bonne humeur qui plane sur l'équipe. Nous ne ferons certainement qu'une seule fois cette voie dans notre vie et comptons bien en profiter ! 

Il devient tellement rare de trouver des itinéraires de montagne non (ou peu) aseptisé que je réalise la chance que nous avons de pouvoir grimper dans cet endroit encore préservé, à l'abri des foules et de ce besoin permanent de rendre accessibles des lieux qui ne sont pas fait pour l'être. Aucun équipement moderne n'est en place, pas même l'ombre d'un petit spit ! Ravie de pouvoir naviguer là où le rocher me mène, je suis presque étonnée de ne pas m'égarer. C'est aux alentours de 15h que je fais mon dernier relais, à quelques dizaines de mètres  du sommet. Cette neuvième et dernière longueur nécessite jusqu'au bout de l'attention puisqu'une chute de pierre atterrirait sans aucun doute sur la cordée du dessous. 

Finalement, nous sommes à 16h au sommet, "tout sourire" pour la photo-souvenir. 


Je suis heureuse d'avoir pu accompagner des gens formidables qui ont réalisé leur objectif, repousser leurs limites ou juste pris énormément de plaisir parce que c'est bien ça le plus important ! Ce n'est pas pour rien que cette voie est répertoriée parmi les 100 plus belles courses des Pyrénées (ouvrage de Bellefon). Chargée d'histoire, elle nous aura plongés au coeur du vingtième siècle, dans les pas de nos prédécesseurs qui, sans le moindre artifice, nous ont courageusement et héroïquement ouvert la voie.

Merci Claude pour cette idée génialissime ! 

Visite Obligatoire - DIBONA

Après trois intenses semaines de boulot au refuge de la Bérarde, rythmées par les ampoules des randonneurs, les rappels coincés des grimpeurs et l'appétit inégalable des alpinistes, c'est à moi de prendre congés pour souffrir des pieds, coincer mes rappels et rentrer affamée...

Ce programme comble également Hugo et sans perdre de temps, nous enfilons nos baskets en direction du refuge du Soreiller.  Depuis quelques jours, nos yeux sont rivés sur la météo qui fait évidemment des siennes. Le refuge du Soreiller étant complet, nous comptons bivouaquer au pied de l'imposante face sud de la Dibona (ce sommet constitue l'objectif du lendemain). Lorsque nous apercevons sa silhouette au loin, des doutes quant à notre capacité à la gravir surgissent  soudainement. Cette aiguille à la fois esthétique et effilée, abrupte et imposante semble jeter un défi à l'audace des hommes. Nous sommes bel et bien déterminés à goûter à cette beauté brute, quelqu'en soit l'énergie à déployer.

Pour l'instant, notre seule mission se résume à mettre un pied devant l'autre  sans s'écrouler sous le poids de nos sacs avoisinant les 18kg.  La tente Décathlon premier prix ne participe pas à notre "light attitude" puisque ses mensurations sont bien trop importantes par rapport à la capacité d'accueil de nos sacs. On a d'ailleurs fini par l'accrocher à l'extérieur tout comme nos deux duvets, les cordes, ma Gore-Tex, mes claquettes... En fin de comptes, nous sommes plus larges que longs. Quoiqu'Hugo bat des records de hauteurs avec son sac qui est 50cm plus haut que lui. Les randonneurs que nous croisons nous prennent même pour les ravitaux du refuge du Soreiller, situé au pied de la Dibona. Il ne manquerait plus que ça ! 

A mesure que nous prenons de la hauteur, le ventilateur - agréable jusqu'ici - s'emballe exponentiellement. Connaissant les températures caniculaires de la vallée, nous ravalons nos plaintes mal placées et continuons à marcher. Très vite, le brumisateur se met également en route. Là, il devient plus difficile de se contenir. Les râleurs sont de sortie et le mauvais temps aussi. Tous les prétextes sont bons pour étaler sa mauvaise humeur. Nous sommes trempés, le refuge ne s'approche pas, les meilleurs emplacements de bivouac seront occupés lorsque nous arriveront et comme si cela ne suffisait pas, nos sacs semblent s'alourdir un peu plus à chaque pas... Ajoutons également que si l'imperméabilité de la tente Quechua est proportionnelle à son prix, il est fortement probable que nous ne dormions pas beaucoup. Quelle vie ! Mieux vaut passer ses vacances à la plage !

Le bruit d'un hélicoptère vient heureusement dévier notre attention. Nous le voyons treuiller deux personnes aux abords du refuge et repartir à toute vitesse. Un détail attire notre attention : ce n'est pas un hélicoptère de secours. Les hypothèses fusent : des riches qui s'offrent un tour d'hélico ? des blessés légers qui ne peuvent pas descendre ? ou les deux à la fois peut-être ? Nous ne le saurons pas mais n'allons pas tarder à les remercier... Vous allez comprendre !

Les gouttes s'intensifient dans les 200 derniers mètres. La tête baissée, nous comptons intérieurement les derniers lacets du sentier. La Dibona semble avoir revêtu son tricot noir, rincée par la pluie, ce qui lui donne un caractère plus impressionnant et moins accueillant que lorsque le granite est orangé.

Nous nous mettons à l'abri au refuge le temps que la pluie se calme. Je rencontre Marielle, la chaleureuse gardienne du refuge du Soreiller (perché à 2700m d'altitude).  Très vite, elle m'explique que deux personnes se sont désistées à la dernière minutes et que nous pouvons prendre leur place. Le sourire aux lèvres, je pars annoncer la nouvelle à Hugo qui est tout aussi ravi. Merci l'hélico !

Le lendemain, un premier lever à 5h nous permet de constater que, malgré nos espérances, la face est trempée. Aussi, les basses températures rendraient l'escalade compliquée : c'est l'onglet assuré ! D'un commun accord, nous repartons au lit. Ce n'est qu'à 7h que nous émergeons. Les premiers rayons du soleil illuminent notre voie. La mer de nuage qui recouvre la vallée n'a pas l'air de vouloir s'échapper mais pour nous, le ciel est bleu  et nous comptons bien en profiter !


Quelques jours auparavant, en établissant le programme, nous avons opté pour VISITE OBLIGATOIRE, une voie de 350 mètres et de 12 longueurs qui parcourt l'aiguille en son centre (léger droite). Son nom n'est pas un hasard et en dit long sur sa majestuosité qui la rend connue et parcourue. Les topos sont unanimes et s'accordent pour vanter sa beauté. Ils mentionnent tout de même l'exigence qu'elle requiert dûe à sa longueur et à sa cotation obligatoire dans le 6 bien tassé. Certains jours, il faut même faire la queue au pied de la voie et attendre son tour.

Nous sommes agréablement surpris de voir que malgré notre départ tardif, personne n'a encore franchi le seuil de la voie. Nous ouvrons le pas, aux alentours de 8h, plein d'excitation et d'impatience à l'idée de découvrir ce que nous réservent ces belles longueurs. "Chifoumi" pour savoir qui lance les hostilités, Hugo l'emporte. Il met ses chaussons et décolle du sol.

Les 150 premiers mètres sont avalés rapidement sans trop de difficultés. Nous sommes de plus en plus époustouflés. La pureté du rocher est incroyable et offre de belles dalles sculptées qui rendent la grimpe fine et technique. Nous partageons les cinq premières longueurs avec une cordée espagnole : un guide et deux clientes. Au relais, nous rigolons en comparant l'équipement moderne et abondant de cette voie et celui plus rustre des Pyrénées.  Nous en concluons sans trop d'hésitations que savoir grimper dans les Pyrénées donne des ailes partout ailleurs !

Surprise supplémentaire lorsque nous constatons que nous serons les seuls aujourd'hui à gravir cette voie. La chance nous sourit de nouveau. Après une petite erreur d'itinéraire, nous entamons la deuxième moitié de la voie. La septième longueur est vraiment majeure. Beaucoup plus physique que jusqu'à présent, elle réchauffe un peu nos corps refroidis par l'altitude.

L7 : la plus belle
Les deux dernières longueurs sont "plein gaz", 300 mètres de vide à gauche, 300 mètres de vide à droite. Notre marge technique dans ces longueurs nous permet d'apprécier leur beauté même si nous sommes loin de faire les malins. Je suis même bien contente que le tirage au sort du début de journée ne m'est pas envoyée dans la dernière longueur, sur le pilier sommital.

L12 : ultime longueur
A 14h, nous foulons le sommet. Heureux d'être arrivés au bout sans avoir "explosé" l'horaire, nous mangeons un bout sur nos 3m² de caillou. Le sommet n'est pas plus grand que ce qu'il n'y paraît du bas. Quelques éboulements résonnent du côté du Soreiller Oriental comme si la montagne voulait nous rappeler que notre place n'est pas ici. Perdus entre cet étonnant amalgame de beauté et d'hostilité, nous tournons les talons et prenons le chemin de descente après deux rappels plutôt chaotiques.

Petite photo au sommet avant de redescendre 
Les pieds de nouveau au sol, nous planons encore sur notre petit nuage. Quelle voie ! quel sommet ! Quelle journée ! quelle cordée ! La nuit va être bonne.
Quoique... Nous commençons à douter des capacités de notre tente lorsque nous la montons le soir venu. Le cadre est juste magique mais pour ce qui est du confort, il ne faut pas être difficile. La soi-disant tente deux places ne laisse pas rentrer facilement les choses... Il ne faut pas avoir beaucoup mangé le soir pour espérer rentrer à deux, même avec nos petits "mètre soixante" et "mètre soixante-dix". De toute façon, ce n'est pas la priorité : nous sommes affamés ! Au menu, des bons raviolis en conserve (notre spécialité). Après avoir digéré devant le soleil couchant, nous ne nous faisons pas prier et allons nous coucher des étoiles plein les yeux. 

Bivouac au pied de la Dibona

Le réveil retentit à 6h. Nos corps courbaturés émergent tranquillement sur nos matelas tout dégonflés. Le p'tit dej est avalé devant un panorama grandiose. Les sommets alentour arborent des teintes rougeâtres et le ciel ne laisse entrevoir aucun nuage. Dans la bonne humeur et au pas de course, nous rejoignons le pied de l'arête Sud du Pilier Occidental du Soreiller. Deux heures plus tard, nous serons au sommet, seuls au monde, atteignant le summum du bonheur. 



Pris à notre propre jeu, nous tombons dans une sorte d'hédonisme montagnard  qui transforme sans aucun doute l'effort en beauté. Notre émerveillement est tel qu'il donne un sens nouveau à ces "ascensions faciles" où la performance n'est pas le socle de l'expérience vécue. Il revalorise la montagne à sa juste valeur et force l'Homme à faire preuve d'humilité.

Alix, Reine du Verdon

 Quelques photos de notre virée dans Alix . Cette voie mythique nous aura donné du fil à retordre, notamment le premier 7b qui n'est pas donné !














Une semaine à Ailefroide City

 Yihaaaa, le moment tant attendu a sonné ! Après vingt petites minutes d'oral et un "c'est bon vous pouvez disposer", je peux enfin enfiler les claquettes et adopter un look de vacancière. Mon chauffeur privé (Hugo pour les intimes) vient me récupérer en limousine - ah non, en scénic pardon - moins d'une minute après que je sois sortie. Décidemment, les vacances commencent bien. En route vers le paradis des grimpeurs, nous écoutons Ben Harper faire ses gammes. Le temps que sa guitare chauffe, nous récupérons Tim puis Milan sur le chemin. Dans nos sacs, les topos ont naturellement remplacé cahiers et trousse d'école, textes du bac et compagnie... Un en particulier nous sera plus qu'utile : "Le topo des blocs d'Ailefroide".

Au premier abord, le bloc est une discipline de l'escalade assez étrange. Grimper trois, quatre mètres (parfois plus) au-dessus d'un "tapis" pour tomber et recommencer... Etonnant, non ? C'est en vérité un effort beaucoup plus court, intense et physique que ce que nous avons l'habitude de faire. Dans le jargon du grimpeur, on appelle ça le BOURRINAGE. L'objectif premier est de s'amuser, le second est de forcer !

[ bourriner : fait de réaliser une tâche sans la moindre délicatesse, ni finesse (certains se reconnaitront ;) ]

Impatients de grimper, nous attendons l'arrivée de Lou et Léo qui complètent l'équipe de la semaine. En deux(-cent) temps, trois(-cent) mouvements, les tentes sont montées et les matelas gonflés. Il est temps d'enfiler les chaussons et de serrer les arquées. 

[ arquées : petites prises pour lesquelles certains grimpeurs éprouvent beaucoup d'amour et d'autres beaucoup de haine et à qui on doit souvent des zipettes monumentales ]

Telle une débutante, je tâte pour la première fois le caillou d'Ailefroide, hautement réputé pour sa qualité. Un court temps d'adaptation est nécessaire pour que chacun(e) s'habitue aux "cotations bloc". Il faut en général descendre d'une ou deux cotations par rapport à son niveau habituel pour trouver des blocs à sa portée. En théorie... En pratique, nous  nous retrouvons parfois bloqués les fesses au sol et dans l'incapacité la plus totale de les décoller. En résumé, il faut arrêter le chocolat ! 

Après des beaux combats dans les blocs, nous rentrons au camping avec déjà l'envie d'y retourner !

Le ciel en a décidé autrement et des trombes d'eau s'abattent sur la toile de notre tente au cours de la nuit. La fébrile imperméabilité de notre petite maison diminue à mesure que la nuit avance. Aux alentours de 4h, mes colocataires (Lou, Léo et Hugo) et moi comptons une à une les gouttes de pluie qui pénètrent à l'intérieur.

Nous hésitons entre prendre un air dépité ou se marrer tellement la nuit va être longue. Eclairés par les faisceaux des frontales, nos regards se croisent et après deux ou trois tentatives de communication et un bon dialogue de sourd, le rire l'emporte. Foutus pour foutus, mieux vaut rire que pleurer ! La réunion Tuperware prend finalement fin et nous nous rendormons aussitôt dans un confort assez relatif. 

Au petit matin, la pluie semble s'être atténuée. La météo annonce de nouveaux des orages mais nous refusons d'y croire. Nous sautons dans les voitures direction le Pré de Madame Carle. Au bout d'une petite heure, la pluie fait son grand retour. 

Le calme avant la tempête !

Abrités sous un petit bloc, nous attendons que ça passe... Mauvaise idée ! Au lieu de ça, le rythme des gouttes s'accélère, leur taille grossit... En moins de 10 minutes, ce n'est plus de l'eau mais des énormes grelons qui viennent frapper les rochers. Seuls les courageux s'efforcent d'aller protéger les pare-brises des voitures en y déposant les crash-pads (tapis de réception qu'on utilise pour grimper) dessus. Aïe, un grelon sur la main ! Aïe, un autre sur le pied ! Aïe aïe aïe, la nature ne nous veut plus, il est temps de partir. A la façon des acteurs de Fort-Boyard, nous courrons vers les pièces affaires, les rassemblons et sprintons au parking. Résultat des courses, nous sommes trempés ! Le bal ne fait que commencer puisqu'il va pleuvoir toute la journée. Quoi de mieux qu'un ciné pour faire passer le temps. 

Après avoir passé deux heures devant Jurassic Parc, nous sommes déçus de ne pas trouver de dinosaures dans les rues de Briançon mais sommes tout de même heureux de retrouver le soleil !

Les péripéties météorologiques sont derrière nous et nous comptons bien rentabiliser le voyage. Dans les jours qui suivent, les essais dans les blocs s'enchaînent... Certains nous coûtent plus que d'autres et mettent nos nerfs à rude épreuve. Un bloc en particulier nous occupe un long moment. Nous cherchons d'abord les méthodes qui correspondent le mieux à notre morphologie. Rien n'est écrit ou imposé, il suffit de laisser libre court à son imagination. Assez vite, des mouvements se dessinent puis s'empilent alors qu'ils paraissaient infaisables au premier regard. Des stratégies différentes sont adoptées. Hugo part d'abord à gauche puis revient à droite, je fais l'inverse. Nous nous retrouvons pourtant tous les deux dans la même position pour effectuer le dernier mouvement du bloc, le passage clé. Nous échouons à de multiples reprises sur cet ultime mouvement et après moult essais, nous nous rendons à l'évidence : ce ne sera pas pour cette fois ! 

Aimer le bloc, c'est aussi savoir ravaler sa frustration quand on est à rien de réussir. Une belle leçon d'humilité ! Nous rentrons bredouilles mais heureux d'avoir réalisés de si beaux mouvements.




Tim, Hugo et moi vagabondons de secteurs en secteurs et de blocs en blocs, à la recherche d'itinéraires esthétique. Nous passons l'après-midi à faire de la "grimpe plaisir", dans des blocs faciles qui nous attirent. Nous contemplons les blocs et les mouvements qu'ils imposent et nous accordons tous les trois pour dire que la nature fait bien les choses ! Appareil photo à la main, notre photographe préféré immortalise le moment. 

Pendant qu'Hugo met des essais dans La Proue (7a bloc), je prends un cours particulier de photo avec Tim. Le peu de peau qu'il me reste sur les doigts ne me permet plus de grimper. Je passe spectatrice. Mes clichés sont ratés, mal cadrés ou encore flous. Bon... Je ne suis pas faite pour ça, il faut s'y résoudre. Je prends tout de même une ou deux photos "acceptables". Le soleil est en train de se coucher, la chaleur retombe peu à peu et nous n'allons pas tarder à rentrer au camping rejoindre le reste de la troupe. Par hasard, je décide de filmer l'essai d'Hugo pour m'initier à la vidéo... Comme par magie, il enchaîne un à un les mouvements sans trop de difficultés. Le crux (passage dur du bloc) est derrière lui. Tim et moi retenons notre respiration jusqu'au dernier mouvement... Il attrape la prise finale et se rétablit au-dessus du bloc. 




Quelle joie d'avoir pu assister à ce combat et qui plus est de l'avoir immortalisé ! C'est aussi pour ces moments, qu'on aime tant ce sport ! Quoi de mieux que partager ce bonheur avec des personnes qui nous sont chères et qui se réjouissent de notre réussite autant que de la leur. Ces relations deviennent précieuses à l'heure où la société repose sur l'égoïsme et la rivalité.

Merci les amis pour ces moments simples de partage. Les vacances ne pouvaient pas mieux commencer !



Salam Morocco

Au cours du voyage, j'ai fait suivre un petit carnet pour immortaliser ces aventures marocaines. Je retranscris mes notes ici. Bien-sûr, ce ne sont que des bribes d'instants précieux, des gribouillages de voyage, des moments notés à la volée, à travers les yeux de la voyageuse novice que je suis ! 

Sept heures de bus sont devant nous. Je crois qu'il est grand temps d'entamer ce carnet. Sur la route cabossée entre Marrakech et Tinghir, j'écris (non sans difficultés) ces quelques lignes en guise d'introduction. Un nouveau chapitre s'ouvre et rien n'est écrit à l'avance. Nous-même ne savons pas de quoi demain sera fait.
Au fur et à mesure du voyage, les mots garniront les pages blanches pour combler le vide de ce carnet tout neuf. Au rythme de l'excursion, j'archiverai mes pensées à l'état brut, sans filtre ni amplification. Le mot d'ordre sera celui de la simplicité afin que chacun(e), à travers ces quelques phrases, puisse voyager à sa manière.

Petit avant-goût de ce qui nous attend... Aquarelle de Camille faite grâce à une photo de Taghia.

Marrakech, ville au mille visages :

Immergée dans un monde qui n'est pas le mien, je découvre avec émerveillement les paysages qui seront le support des deux prochaines semaines.

Marrakech fait partie de ces villes en ébullition, qui tournent à mille à l'heure. Entraînée par les coups de klaxons, je fais mes premiers pas dans cet endroit hors du commun. C'est une véritable ruche !
Les voitures déboulent à toute vitesse, les motos slaloment au milieu de la foule, les passages piétons ne sont là que pour décorer... En bref, le code de la route est un concept abstrait ! Je devrais peut-être passer mon permis au Maroc ! ;)
En s'enfonçant dans les ruelles, je fais un bond dans mon enfance et me téléporte dans le pays d'Alladin. A un détail près, nous n'avons pas de tapis magique pour survoler le souk et devons se faufiler à travers la foule. Objectif : ne perdre personne. C'est raté puisqu'au bout de 50m, nous sommes déjà divisées. Des pauses fréquentes s'imposent pour faire l'appel.
- "Camille ? Laura ? Julie ? Charlotte ? Pauline ? Lara ? Ilona ?"
- "Présentes !"
La classe est au complet, nous pouvons repartir pour... 25m où nous réitérons l'action !


On a craqué !!!

Paradoxalement à ce chahut incessant, nous entendons résonner pour la première fois du voyage l'appel à la prière. Nous sommes en période de ramadan et les prières collectives ont lieu plusieurs fois par jour (et par nuit). En un clin d'œil, le bazard s'ordonne. Les gens se dirigent vers la mosquée ou prient sur leur lieux de travail, chez eux ou même dans la rue. La religion rythme leur vie et est l'essence même de ces Hommes. Nous en discutons avec un commerçant, non loin de la grnade place : "un bon musulman est avant tout une personne qui fait le bien autour d'elle. La religion nous pousse à être meilleur.".

Ces phrases résonnent dans ma tête. Je suis impressionnée par la foi inébranlable qui habite ces gens. Leur gentillesse, leur bienveillance, leur chaleureusité... Tant d'aspects implantés dans leur culture (et quasiment inexistants en France) qui rendent ce pays fabuleux !

Je découvre cette religion sous un tout autre angle que celui que l'on nous donne en France. Loin des amalgames qui sont faits par les politiques français, je suis heureuse de découvrir par moi-même toutes les facettes de cette culture !        

A la découverte des gorges de Todgha :
Trois jours se sont déjà écoulés depuis que nous sommes arrivés dans les Gorges de Todgha. Brahim, notre hôte, nous a accueilli comme des reines dans sa grande maison (gîte Dartiwira) ! Toute sa famille oeuvre pour que nous passions un bon séjour.

En parallèle, nous apprivoisons tranquillement le calcaire abrasif des gorges qui malmène la peau de nos doigts. Chacune repart avec un petit souvenir des voies. L'une l'index en sang, l'autre le pouce. Certaines moins délicates repartent même avec un joli trou dans le pantalon.
Habituellement, Todgha est un lieu très touristique. Nous nous sentons chanceuses d'être quasiment seules dans ces grands espaces.
J1 : Hannah chez les grands à la Paroi du Levant
J2 : SmoufonWeb au Pilier du Couchant
J3 : Voie Abert au Pilier du Couchant 

(PS : méfiance avec les topos pas toujours justes. Les cotations sont plutôt à prendre au sérieux !)




Palabrer ou forcer, pas besoin de choisir dans la Abert :

Cap vers le pilier du couchant en compagnie de Lara. Hier soir, nous avons longuement hésité entre deux voies :

- La Classique (6a costaud équipé), que Lara a faite la veille avec les filles
- La Abert (6b costaud et semi-équipé) qui rendait nos mains moites rien qu'en lisant le topo.
Nous optons pour la deuxième option. Nous n'avons pas tous les jours la chance d'être là alors il faut en profiter !
Je prends la tête dans les quatre premières longueurs. Elles sont bien équipées mais il ne vaut mieux pas être adepte du spit tous les mètres. Le caillou est toujours aussi bon et offre une infinité de préhension à serrer. Néanmoins, gare à celui qui serre trop fort ! Il risquerait de s'en tirer avec les mains toutes amochées.
Au bout de deux heures, nous sommes déjà à la moitié de la voie. Nous malmenons nos cordes vocales qui sont d'ailleurs plus fatiguées que nos biceps. A ce rythme là, nous serons à l'heure pour l'apéro !
J'en profite pour photographier la mannequin rattachée à l'autre bout de la corde. Les marques de parfum n'ont qu'à bien se tenir ! Elles ne pourront pas rivaliser avec nos clichés. Caillou orangé, ciel bleu azur, fleurs printanières et surtout... Mensurations parfaites de la grimpeuse ! On pourrait également mentionner sa coiffure inégalable (même en passant entre les mains des meilleurs coiffeurs français) ou encore son look à la pointe de la modernité !

  

C'est ensuite à elle de passer devant. L'équipement se raréfie et la recherche d'itinéraire devient complexe. En élève modèle (préparant son bac de français), je tente de décrypter les longueurs. Seulement, le topo est INCOMPRÉHENSIBLE. Nous avons beau lire, relire, rerelire... Nous ne sommes pas plus avancées qu'à la première lecture.
Finalement, elle se dépatouille comme elle peut. A certains moments, elle a tout de même besoin de se concentrer (ce qui est rare) pour surmonter quelques pas exigeants.

Après trois bonnes heures de bartasse et grâce à la ténacité de Lara, nous arrivons enfin au sommet du pilier du couchant. Embarquées dans nos blablatages incessants, ce n'est qu'une bonne heure plus tard que nous tournons les talons pour rejoindre le reste de l'équipe.

Les apprentis randonneuses dans le Haut-Atlas :
Le temps s'écoule à toute vitesse ! Je n'ai pas beaucoup de temps pour écrire.
Ce matin, il est déjà l'heure de dire au revoir à Brahim chez qui nous aurons passé des moments merveilleux ! Un petit sentiment nostalgique plane dans l'air même s'il est vite remplacé par l'impatience et la curiosité des jours futurs.
Deux muletiers et trois mules nous attendent devant le pas de la porte. La communication risque d'être compliquée car ce sont des berbères qui ne parlent pas un mot de français. En s'élevant au-dessus des gorges, nous croisons parfois des nomades qui descendent chercher de l'eau. Un mélange d'admiration et de culpabilité m'anime lorsque je vois leurs sandales toutes trouées. Nous prenons progressivement de l'altitude et évoluons dans des paysages de plus en plus désertiques. Il n'y a aucune source d'eau et très peu de végétation. Les dunes arides sont visibles à perte de vue et se confondent au loin avec le bleu du ciel. Nous sommes seuls au monde, mis à part quelques fourmis qui se réjouissent de notre pause pique-nique.
Le ciel s'assombrit à mesure que la journée avance. Laura, qui me faisait un cours sur les nuages quelques heures plus tôt, a attiré les cumulonimbus. Vers 18h, nous montons le bivouac sous les gouttelettes de pluie que nous n'avions encore jamais vues dans ce pays !



Première nuit en bivouac



Deuxième nuit au gîte à Oussikiss


Salam Taghia (Lundi 25 avril) :

Il est 15h quand nous passons le sommet du Timrazin (3300m). La silhouette lointaine du petit village de Taghia émerge enfin dans le fond de la vallée ! Nous sommes en route depuis 5h du matin et avons laissé Oussikiss derrière nous. Les paysages, jusque là secs et désertiques, sont aujourd'hui devenus plus végétalisés. L'eau est réapparue comme par magie.




En basculant derrière la ligne de crête du Timrazin, le paysage change radicalement et est digne des plus grands tableaux de peinture. L'herbe verdoyante brûle nos rétines ! La présence d'arbres et de fleurs en est presque déstabilisante tant nous avions oublié à quoi ça ressemblait !



J'étais loin d'imaginer que mettre un pied devant l'autre pendant des heures et des heures, kilomètres après kilomètres, serait la source de tant d'émerveillement. Les montres se sont arrêtées (sauf celle de Camille, adepte de strava). Seuls nos corps ont imposé un rythme. Vagabonder dans cet endroit magique, hors du temps et loin de tout, a aussi démontré qu'un groupe de sept nanas ne tombe jamais en panne de sujets de conversation...
Merci les filles pour ces discussions, devinettes et débats passionnants qui ont fait passer ces longues heures de marche à toute vitesse !
Il est grand temps de mettre en route les pattes avants et donner congés à nos pattes arrières qui en ont bien besoin (70km et 4000m de d+) !

Rêve d'Aïcha :
Après une bonne nuit de sommeil, nous nous dirigeons tranquillement vers la voie du jour. L'heureuse élue n'est qu'à une dizaine de minutes du gîte. Ça n'est plus qu'un jeu d'enfant après l'entraînement intensif que nous avons subi ces derniers jours.
Les cordées se forment mais sont remaniées à partir de la deuxième longueur. Les points sont assez espacés et bien que l'équipement soit en parfait état, des entorses du mental liées entre autres à la peur et à la fatigue se propagent à toute vitesse dans l'équipe. Là, être sponsorisé par Kleenex n'aurait pas été de trop pour essuyer toutes les larmes de la matinée !
Bien qu'une remobilisation des troupes ait été nécessaire, chacune a ensuite pu se dépasser à sa manière dans les belles longueurs de 6 : en lead, en second, en artif, en solo... Ne nous sous-estimez pas en termes d'innovation ! Notre créativité est débordante. Nous nous souviendrons un moment de cette voie forte en émotions !
Julie dans L2


Demain, il faudra déjà repartir en direction de Marrakech. :(

Sur le chemin du retour :
Les sacs sont bouclés et les mules chargées, nous voilà en chemin pour Zaouia. Une belle dernière voie au-dessus du village (qui est une révélation pour certaines !) clôture nos aventures sur ce territoire.


Visite d'une cazba à Zaouia



Un passage obligé au Souk termine d'abattre les troupes. Nous ne sommes plus que des loques errant dans Marrakech... Il est temps de rentrer à la maison !
En ce qui concerne le repos, on attendra les prochaines vacances. Retour en cours ce lundi après trois petites heures de sommeil sur le sol de l'aéroport Bruxellois entre deux avions.

Un grand merci à Lara qui est à l'origine du projet ainsi qu'au reste de l'équipe pour ces moments de vie partagés.
BIG UP à Laura qui nous a fait de superbes photos tout au long du séjour.
La photographe en action

Merci les filles ! <3