Voie Livanos - Aiguille de Sialouze

Tout a commencé le nez dans un bouquin, à peine éclairé par le faisceau de la lampe de chevet. Manifestement, c'est l'endroit où chaque rêve prend vie. Ce soir-là, l'un d'entre eux était né et n'allait pas tarder à passer au stade de projet.  La graine était plantée...

L'heureuse élue n'était autre que la voie Livanos à l'aiguille de Sialouze dans le massif des Ecrins. Dans l'ombre de ses voisins quelque peu envahissants, l'Ailefroide et le Pelvoux, ce petit bijou ne revendiquait que timidement son intérêt à être parcouru. Et pourtant, nous n'allions pas être déçus !

D'après les topos, douze longueurs devaient nous permettre de rejoindre le sommet et il fallait se contenter d'une modeste quinzaine de pitons répartis sur les 350 mètres de grimpe. C'est ensuite en empruntant neuf rappels au centre de la face que nous étions censés rejoindre le pied du glacier du Coup de Sabre. Les prévisions horaires avoisinaient les six ou sept heures de grimpe, auxquelles il fallait ajouter le temps d'approche, celui des rappels et du retour à pied. L'aventure allait être assurée !

Entraînant Hugo dans cette entreprise, nous décidons de partir en totale autonomie depuis le petit village d'Ailefroide. Chargés comme des mules, s'arrêter au refuge du Sélé ne fût alors pas une option lorsque nous passâmes devant. A un rythme moins rapide que lent, nous rejoignîmes sous le soleil tapant, notre camp de base pour les deux jours à venir. Aux alentours de vingt heures, nos quartiers furent luxueusement montés. 

Les dernières lueurs du jour nous permirent de déchiffrer la voie et de repérer les passages caractéristiques du lendemain : vire ascendante, dièdre sombre, traversée sous les toits,V+ expo, première longueur-clé, cheminée d'anthologie...

Dans l'obscurité, le vent s'était invité, anéantissant une bonne fois pour toute nos voeux d'endormissement. La nuit allait être longue...

A mesure que le jour se levait, le froid laissait place à la douceur des matins d'été. Enthousiamés à l'idée de grimper sans doudounes, nous posâmes nos doigts dans les premières longueurs aux environs de neuf heures. J'ouvris la marche grimpe puis Hugo prit le relais. Les longueurs s'enchainaient rapidement. Le granite, bien que croustillant sous nos chaussons, était d'une qualité remarquable. Parfois, un frisson me parcourait le corps en imaginant les anciens, sans friends ni chaussons, parcourir ces longueurs sans protections dignes de ce nom. L'une d'entre elle me donna particulièrement du fil à retordre : une cheminée bien trop lisse où chaque partie de mon corps avait à un moment ou à un autre, jouer le rôle de coinceur. 

Coincée dans la cheminée de L11

Ceci étant dit, je ne regrettai pas une seconde d'être passée devant lorsque je vis Hugo hisser péniblement le sac sous ses jambes. Après cela, les grosses difficultés étaient derrière nous. Une heure plus tard, nous étions au sommet.

Au sommet, vue sur la majestueuse Ailefroide Orientale

Le sourire jusqu'aux oreilles, nous n'avions pas été déçus du voyage. Cette immersion dans les entrailles du siècle dernier donnait alors du sens à toutes les heures de grimpe passées en salle cet hiver. L'objectif était simple : devenir juste assez fort pour passer lâchement dans les pas des héros - dont Livanos fait partie - qui nous ont ouvert la voie et constater le courage qu'ils ont eu de s'aventurer dans des faces que nous n'aurions même pas osé regarder.

Il était maintenant temps de redescendre et de prendre des vacances sur les falaises briançonnaises.



Traversée de la Meije

Il est 22h, l’alentour s'enflamme. Nous sommes là, immobiles, plongés dans cette immensité. La journée a été longue mais ce spectacle vaut la peine de lutter encore quelques instants. Les paroles se font rares et nous divaguons dans nos pensées. Pendant 14 heures, nous avons erré entre les refuges du Promontoire et de l’Aigle, sur les arêtes d’une des courses les plus emblématiques des Alpes : la traversée de la Meije. Loin d’être la plus difficile, la Meije fut néanmoins l’un des derniers sommets alpins à avoir été gravi (au bout de la vingt-cinquième tentative !). C’est donc avec un peu d’appréhension et beaucoup d’excitation que nous nous sommes lancés sur cet itinéraire chargé d’histoire. 

Samedi, le réveil sonne au beau milieu de la nuit. Nous voulons assurer le coup et prendre de la marge pour arriver à temps au refuge de l’aigle. Nous laissons passer les cordées guide/client puis leur enclenchons le pas. Nous nous frayons un chemin dans l’obscurité et avalons les premiers passages clés : pas du Crapaud puis remontée du couloir Duhamel. A l’aube, nous arrivons au pied de la dalle Castelnau.

Les premières lueurs du matin en fond de toile

La grimpe devient plus verticale sans jamais être difficile. Kilian et Régis, encordés devant Hugo et moi, nous donnent de précieuses indications sur le cheminement à suivre. Les heures défilent plus vite que ce que nous le voudrions. Au-dessus du glacier carré, la montée jusqu’au Grand Pic s’éternise. Notre pas est lent, les fissures glacées nous obligent à remettre les crampons et la faim gagne peu à peu nos estomacs. C’est dans ces moments-là qu'on se demande ”qu'est-ce qu’on fout là”, qu’on commence à rêver de bières fraîches et de pizzas et que les pensées négatives prennent le pas sur le plaisir. Pourquoi s’infliger cette lutte contre les éléments ? Le froid, le vent, la fatigue, l'essoufflement… Par chance, l’altitude ne me joue pas de tour, contrairement à Hugo et Régis qui doivent en plus gérer des maux de tête ! Se sentir vulnérable et accepter de l’être ne sont pas non plus des sensations agréables. Pourtant, ces coups de moins bien sont quasi inévitables sur des courses aussi longues et il faut réussir à garder le dessus. J’ai le sentiment à ce moment là d’être mise à rude épreuve par ma tête beaucoup plus que par mon corps, de subir la longueur plus que les pas de grimpe.

Pourtant une fois arrivés au sommet, la satisfaction tire un trait sur tous ces questionnements. On sait de nouveau pourquoi on est là et aussi pourquoi on le fait. Sans effort préalable, l’intensité de ces moments serait moindre à côté de ce qu’ils sont là. Aucun mot n’est utile, seulement un regard, un sourire pour montrer à quel po  int on est fiers d’en être arrivé là. De toute façon, nos rares paroles se perdent, emportées par le vent. Ce “presque 4000”, emblème de la vallée, ne s’est pas facilement laissé approcher !

Itinéraire du matin

Nous savons qu’il reste du chemin à parcourir et qu’il ne faut pas s’éterniser ici. Après avoir avalé quelques Haribo gentiment offerts par Kiki, nous nous remettons en route... Par chance, les conditions sur la traversée nous permettent d’avancer rapidement. Le câble de la brèche Zsigmondy est entièrement au-dessus de la neige, ce qui nous évite de tirer des longueurs. Sur le fil de l’arête, la trace a été courageusement faite par les cordées de devant. Les pentes de neige nous font esquiver les rappels de la troisième dent. Nous jouons aux équilibristes au-dessus du vide, mobilisant toute notre attention pour avancer. Le Doigt de Dieu n’est plus si loin. Sa silhouette se noie dans l’infiniment bleu. Le temps n’a plus de valeur absolue, nous confondons les heures en minutes et les minutes en secondes… Là-haut tout s’accélère, s’amplifie et s’intensifie. 

Le soleil guette notre évolution tout comme les gardiens du refuge de l’Aigle qui nous observent certainement aux jumelles pour s’assurer que tout va bien. Nous foulons le deuxième sommet de la journée, culminant à 3973m. Les environs se dévoilent et nous pouvons enfin pleinement en profiter, délestés de la pression qui pesait sur nos épaules depuis le réveil. Quatre derniers rappels nous ramènent sur le flanc du glacier du Tabuchet. Un petit kilomètre nous sépare maintenant du refuge de l’Aigle. Nous suivons une fois de plus la trace de nos prédécesseurs sans qui cette entreprise n’aurait pas été la même ! 


Ce week-end marque la fin de nos quatre années de lycée. Le temps avance sans que nous trouvions la pédale pour ralentir la cadence. Apparemment, il est temps de rentrer chez les "grands", de dire au revoir à l'insouciance, bonjour à la conscience. En grandissant, on comprend mieux la vie, les gens… Ah non, en fait on les comprend encore moins ! L'humanité perd sa crédibilité, les normes nous enferment dans des cases qui ne nous parlent pas et le mimétisme devient la seule manière d'exister (ou en tout cas d'être bien jugé).

Se faire vouvoyer et appeler "Madame", devoir réfléchir à un "métier", avoir une vie sage et bien rangée… Ne plus avoir d'excuses lorsqu'on a du retard ou qu'on a oublié ses papiers…

On repousse au plus loin possible la vie d'adulte parce que c'est aux antipodes de ce que l'on est.

Alors si quelqu'un a la solution, du rab de temps ou des potions magiques, qu'il nous tienne au courant ! Qui sait, avec le progrès technique, les personnes qui s'ennuient pourront peut-être bientôt faire un don de temps ! 



Périple hispanique

Epreuves du bac dans le rétro, Hugo et moi n’avions qu’une idée en tête en prenant la route cet après-midi : faire le plein de vitamines D. Choisir la destination des vacances est souvent une tâche délicate mais cette fois, l’Espagne était apparue comme une évidence ! Vivre en fonction de la pluie et du beau temps et grimper jusqu’à épuisement, voilà ce qui nous motivait tant !

La chasse aux infos avait déjà débuté depuis quelque temps. Elle avait d'ailleurs souvent détourné notre attention pendant les révisions. Pour trouver la motivation, nous avions nos techniques ! Il fallait alterner : leçons de Physique, topo de Montrebei, exercices de chimie, dessins de Riglos, dissertations de sciences économiques, photos de Targasonne… Ainsi, la moitié de notre esprit s’était déjà exilée en terre sudiste. 
 
Le programme était vaguement établi. Nous connaissions les grandes étapes du voyage mais laissions libre court à toutes envies soudaines. Il était néanmoins convenu de débuter les vacances à Targasonne et d’y retrouver Marie, Guillaume, Bastien et les jeunes du club.
Heureux de débuter les vacances dans ce petit coin de paradis (réputé pour l’escalade de bloc) nous avions hâte d’y être. Quoi de mieux pour Pâques que de se battre sur de gros œufs de granite en si bonne compagnie ? 

Ces trois jours nous permirent de peaufiner la suite… Certaines voies envisagées furent approuvées par Marie et Bastien, tandis que d’autres se retrouvèrent définitivement rayées de la liste. Quelques nouvelles idées (pour ne pas dire beaucoup) émergèrent. Au final, on pouvait la confondre avec la liste de course hebdomadaire des SERRAR tant elle était longue !

Forcé de constater que les vacances n’étaient malheureusement pas éternelles, il fallait faire des choix. Nos réflexions mûrirent tranquillement et les grandes lignes du voyage se profilèrent…


TERRADETS

Lundi soir, nous passons la frontière. Les dernières lueurs du jour accélèrent les recherches d’un spot pour passer la nuit. Finalement, nous atterrissons au bord du lac du Tremp, seuls devant le soleil qui décline, donnant à l’eau des couleurs orangées. Il ne manquait plus qu’une bonne pizza pour prendre des forces en vue de la suite. Le tableau de bord de la voiture indique 26°C : le printemps est bel et bien là !


Sur recommandation, nous ouvrons les hostilités dans COLORES : voie calcaire de 200 mètres nichée dans les gorges de Terradets. Dans ces grandes dalles dépourvues de prises, il vaut mieux trouver un micro-pied salvateur que de perdre du temps à chercher des (prises de) mains inexistantes. Dans les longueurs aléatoires du haut, un frisson me parcourt lorsque je pense à Serge qui a réalisé cette même voie en solo intégral (sans corde) quelques années auparavant… 

Colores (au milieu de la paroi)

Grimpette au-dessus de l'eau

MONTREBEI  

Quelque chose de particulier me lie à cet endroit. Il y a une dizaine d’années (déjà !!!), je passais par là avec ma famille lors de notre traversée des Pyrénées en camping-car. Si la plupart des étapes de notre périple sont depuis bien longtemps enfouies dans les coins les plus reculés de ma mémoire, celle du Congost de Montrebei est sûrement celle qui m’a le plus marquée ! Peut-être pour cette journée en bateau gonflable à travers les gorges où Lilou, Yanis et moi préférions se baigner dans l’eau turquoise que de ramer, laissant les parents, triceps en feu, mener l'embarcation… Ou peut-être encore pour cette autre journée à traverser le Congost à pied, interminable randonnée où pont suspendu, chemin taillé et escalier dans la roche permirent tant bien que mal de nous faire avancer… A cette époque, les falaises qui nous entouraient étaient tellement grandes que les escalader n’était même pas envisageable. Plus tard, les retours de grimpeurs s’étant essayés aux grandes falaises de Montrebei ne vinrent que confirmer ma première impression. Pourtant, Lara essayait depuis quelque temps de m’envoyer au charbon sur ce site mythique et ne manquait aucune occasion pour me le rappeler. Je n’aurais trouvé aucune excuse qui puisse justifier la déviation de Montrebei si ce n’est… la frousse !

Montrebei présente les plus grandes et plus verticales parois de la Serralada del Montsec, avec ses deux géantes d'une hauteur de 500 m : Paroi d'Aragon et Paroi de Catalogne. Plus de 100 itinéraires d'escalade libre le plus souvent partiellement ou peu équipés, mais aussi des voies d'escalade artificielle.” (source : C2C)

La première étape a d’abord été de déchiffrer les livres catalans pour comprendre les accès des parkings et des voies. Après une bonne demi-heure de 4x4 (que dis-je, de Scénic) sur une piste cabossée au milieu de nulle part, nous sommes soulagés d’enfin arriver à Prat d’en Lluis, notre camp de base pour les trois prochains jours. 

Notre nouvelle chambre :)

Là, toute notion de temps allait disparaître. De l’aube au crépuscule, nous allions disposer de longues heures pour cultiver notre art : chercher les lignes les plus esthétiques (et les plus abordables !), étudier les itinéraires jusqu’à les connaître sur le bout des doigts, se lancer en ouvrant grand les yeux pour trouver le moindre piètre piton et ainsi éviter de se perdre, débusquer les plus belles fissures et y glisser nos plus beaux friends et respirer un grand coup quand le dernier point serait hors-champ… Des heures et des heures à s’exercer, tantôt sous le soleil tapant, tantôt exposés au vent. 

Les repas ne furent, certes, pas ceux rêvés de tous, mais notre salle à manger était inégalable. Rabiboché au strap, le matelas percé sur lequel nous dormions n’aurait pas non plus fait de jaloux. Pourtant, nos corps semblaient s’habituer à la fermeté du sommier, les nuits passant… L’eau, récupérée à la fontaine du dernier petit village croisé (à plus d’1h30 d’ici) était une denrée rare. Nous avions vingt litres de réserve dont dix d’eau potable. Ainsi, de nombreuses stratégies, plus ou moins efficaces, furent mises en place pour l’économiser.

Conscients du privilège que nous avions d’évoluer dans un décor comme celui-ci, nous n’aurions troqué pour rien au monde notre place contre un hôtel 5 étoiles ! 


Dièdre gris

En pleine forme malgré un brin d'appréhension, nous foulons le sentier du Congost à l’aube. Les souvenirs remontent lorsque je traverse le pont suspendu. Un détail retient néanmoins mon attention. Dans l’obscurité, je m’y prends à deux fois pour m’assurer que ce que je vois est bien réel. L’eau a disparu ! Ce pont qui, autrefois, était indispensable pour traverser la rivière n’a maintenant plus aucune utilité si ce n’est de distraire les randonneurs qui passeraient par là. Quel désastre ! Nous continuons notre route sur le sentier taillé, où nous constatons une fois de plus la baisse drastique du niveau de l’eau dans les gorges. Le constat est frappant. Accablés par la scène, nous poursuivons la balade.

A 8h, nous sommes au pied de la géante Paret de Catalunya, comme on l’appelle ici. Nous partons pour 400 mètres de grimpe verticale à équiper entièrement. 

Chaque mètre avalé est une petite victoire, chaque longueur cochée est une bouffée d’oxygène. Les doutes s'amenuisent à mesure que nous progressons. Nous savons tous les deux que la seule issue est par le haut ! Nous gardons ça en tête. 

Dans la voie, nous faisons la connaissance de Javi et Alfredo, deux catalans pure souche avec qui nous partageons le reste de la journée. Les discussions aux relais nous font oublier l’enjeu. 

Après neuf heures d’ascension et une petite erreur d’itinéraire, nous sommes enfin sur le plateau sommital. Heureux d’être venu à bout de ce qui, pour nous, fut un beau chantier.

Quelques jours plus tard, nous migrons vers l’ouest pour finalement échouer un court moment à Riglos et terminer en douceur. Notre attention est évidemment retenue par la trace blanche qui raye la paroi de la Visera : La Fiesta de los Biceps

Le lendemain, nous sommes surexcités à l’idée de s’élancer dans cette grande classique, sûrement la plus répétée du coin ! Nous prenons le temps de profiter ou plutôt de récupérer entre les longueurs, surtout celles du haut qui déversent de plus en plus. Après avoir enchaîné les 6c, 6c+ et 7a, l’ultime 6a+ aura raison de nous (trois pauses chacun au compteur !!!). Cette voie marque forcément les esprits, plus pour l’ambiance que pour la grimpe en général.

200 mètres de gaz sous les pieds !

Le dernier jour, nous jetons notre dévolu sur la Seron-Millan au Pison, une voie de 300m à l’équipement rudimentaire. Un beau voyage dans les entrailles du siècle dernier et des cheminées de conglomérat qui donnent parfois la frousse !

On se fait petit à côté du Puro (pointe de gauche)

Se réveiller au petit matin sur le matelas dégonflé,

Pendant la journée, grimper ou flâner et récupérer,

Se doucher ensuite à l'eau glacée,

Élire puis étudier la voie envisagée,

Manger une bouillie lyophilisée à la nuit tombée,

Observer les étoiles lorsque prend place l’obscurité,

Rêver d’aventures rupestres lorsque nos paupières sont fermées,

Donner des nouvelles quand le réseau nous le permet,

Et recommencer jusqu'à ce que le temps soit épuisé… 

Vivement les prochaines vacances !


Goulotte au Pic du Loup

Épreuves du bac obligent, les week-ends précédant celles-ci étaient à priori destinés aux révisions. Évitant à tout prix de jeter le nez dans les topos (par peur de craquer), ma bonne volonté m'étonnait. Plus encore, elle m'épatait ! 

C'était sans compter sur un message de Kilian qui vint anéantir mes résolutions : "Belledonne ce week-end ?"

Je préférai décliner sa proposition, déterminée à ne pas flancher. Quelques instants plus tard, le doute s'installait déjà. Hésitante, je demandai alors des informations sur les prévisions météo, ce à quoi on me répondit : "Grand beau". Une courte visite sur le bulletin de Météo France confirma ses dires.

Je réclamai ensuite quelques renseignements sur le programme : "goulotte au Pic du Loup" m'annonça-t'on. Les précisions du topo n'arrangèrent rien à la situation : "L'ambiance et l'esthétique sont au rdv [...] Cette goulotte vaut vraiment le détour...".

Sommet du Pic du Loup - Goulotte de droite

Comment pouvais-je refuser une telle proposition ? Une partie de moi, sûrement la plus raisonnable, me supplia de décliner l'offre. Vous vous doutez bien que c'est l'autre qui pris le dessus.

Et comme "plus on est de fous, plus on rit", Hugo se joignit volontiers à nous. Je n'eus aucun mal à le convaincre. Régis, responsable R&D chez CIMALP, fut également de la partie.

Le lendemain...

A 9h pétante, nous sommes au départ du parking de Freydière. Surpris sans vraiment l'être, l'absence de neige nous pousse à partir à pied. Nous laissons les raquettes dans le coffre de la voiture, sans regrets. Les papotages nous font avaler l'approche en un rien de temps. Quoique... c'est peut-être la cadence des garçons qui nous fait arriver en moins d'une heure au Lac du Crozet. Nous venons de traverser l'épaisse couche nuageuse qui recouvre tout le Grésivaudan. Pour sûr, le soleil ne parviendra pas à faire son chemin jusqu'en vallée. Nous sommes donc aux premières loges pour faire le plein de vitamines D. Au-dessus des nuages, les lumières du matin envahissent les lieux. "L'autre côté" est toujours plein de bonnes surprises !

Il nous faut encore une heure pour atteindre le pied de la face. La ligne, belle diagonale encaissée, est évidente. Elle traverse la face ouest du Pic du Loup jusqu'à son sommet. 

Nous nous équipons en contre-haut du Lac du Loup. Kilian s'élance dans la première longueur, une belle envolée de 60 mètres avec un court passage de mixte. Régis lui enclenche le pas et expérimente ses premiers coups de piolets dans ce type de terrain. Hugo et moi partons ensuite. La seconde longueur ne demande pas plus de temps à l'équipe si ce n'est qu'il faut faire sa trace dans la pente enneigée. Kilian et Hugo s'en chargent. La suite est un peu plus technique et les conditions actuelles ne sont pas celles d'un mois de mars. Certains hivers, l'itinéraire est entièrement recouvert de neige et est par conséquent d'une technicité moindre. Aujourd'hui, quelques courts ressauts sont secs (par manque de neige). L'épaisseur du placage ne nous permet pas de brocher mais il est néanmoins suffisant pour ancrer les piolets et progresser. 

Il en faut plus pour effrayer les troupes et en deux temps trois mouvements, nous sommes au-dessus des difficultés et prenons pieds sur l'ultime pente neigeuse. Le soleil pointe le bout de son nez sur le haut de l'itinéraire. Les températures avoisinent certainement la dizaine de degrés et les couches textiles, en surnombre, se font sentir. A 14h, nous sommes au sommet. Kilian immortalise le moment avec son drone. 


La mer de nuages s'étend à perte de vue. Au loin, nous apercevons cette ligne dépourvue de précisions, où le blanc de la terre se mêle au blanc du ciel. Aucune frontière distincte ne sépare ces deux corps si ce n'est celle de notre imagination. Quelques cimes semblent néanmoins avoir vaincu la morosité du ciel.  Le trio Dent de Crolles - Chamechaude - Granier représente fièrement la Chartreuse, celui de Meije - Barre (des Ecrins) - Dômes (des Ecrins) se révèle en mettant à l'honneur le charisme des Ecrins. D'autres sommets encore plus lointain dressent courageusement leur silhouette à travers l'épaisse fourrure blanche.

Devant cette scène, une harde de chamois déboule sous nos yeux. L'ascension ne pouvait pas mieux se clôre que de cette manière. Quel bonheur d'avoir parcouru cette voie sauvage sans aucun accroc et avec une équipe de choc !

Une journée simple et efficace (pas comme nos révisions).

Merci les gars ;)