Goulotte au Pic du Loup

Épreuves du bac obligent, les week-ends précédant celles-ci étaient à priori destinés aux révisions. Évitant à tout prix de jeter le nez dans les topos (par peur de craquer), ma bonne volonté m'étonnait. Plus encore, elle m'épatait ! 

C'était sans compter sur un message de Kilian qui vint anéantir mes résolutions : "Belledonne ce week-end ?"

Je préférai décliner sa proposition, déterminée à ne pas flancher. Quelques instants plus tard, le doute s'installait déjà. Hésitante, je demandai alors des informations sur les prévisions météo, ce à quoi on me répondit : "Grand beau". Une courte visite sur le bulletin de Météo France confirma ses dires.

Je réclamai ensuite quelques renseignements sur le programme : "goulotte au Pic du Loup" m'annonça-t'on. Les précisions du topo n'arrangèrent rien à la situation : "L'ambiance et l'esthétique sont au rdv [...] Cette goulotte vaut vraiment le détour...".

Sommet du Pic du Loup - Goulotte de droite

Comment pouvais-je refuser une telle proposition ? Une partie de moi, sûrement la plus raisonnable, me supplia de décliner l'offre. Vous vous doutez bien que c'est l'autre qui pris le dessus.

Et comme "plus on est de fous, plus on rit", Hugo se joignit volontiers à nous. Je n'eus aucun mal à le convaincre. Régis, responsable R&D chez CIMALP, fut également de la partie.

Le lendemain...

A 9h pétante, nous sommes au départ du parking de Freydière. Surpris sans vraiment l'être, l'absence de neige nous pousse à partir à pied. Nous laissons les raquettes dans le coffre de la voiture, sans regrets. Les papotages nous font avaler l'approche en un rien de temps. Quoique... c'est peut-être la cadence des garçons qui nous fait arriver en moins d'une heure au Lac du Crozet. Nous venons de traverser l'épaisse couche nuageuse qui recouvre tout le Grésivaudan. Pour sûr, le soleil ne parviendra pas à faire son chemin jusqu'en vallée. Nous sommes donc aux premières loges pour faire le plein de vitamines D. Au-dessus des nuages, les lumières du matin envahissent les lieux. "L'autre côté" est toujours plein de bonnes surprises !

Il nous faut encore une heure pour atteindre le pied de la face. La ligne, belle diagonale encaissée, est évidente. Elle traverse la face ouest du Pic du Loup jusqu'à son sommet. 

Nous nous équipons en contre-haut du Lac du Loup. Kilian s'élance dans la première longueur, une belle envolée de 60 mètres avec un court passage de mixte. Régis lui enclenche le pas et expérimente ses premiers coups de piolets dans ce type de terrain. Hugo et moi partons ensuite. La seconde longueur ne demande pas plus de temps à l'équipe si ce n'est qu'il faut faire sa trace dans la pente enneigée. Kilian et Hugo s'en chargent. La suite est un peu plus technique et les conditions actuelles ne sont pas celles d'un mois de mars. Certains hivers, l'itinéraire est entièrement recouvert de neige et est par conséquent d'une technicité moindre. Aujourd'hui, quelques courts ressauts sont secs (par manque de neige). L'épaisseur du placage ne nous permet pas de brocher mais il est néanmoins suffisant pour ancrer les piolets et progresser. 

Il en faut plus pour effrayer les troupes et en deux temps trois mouvements, nous sommes au-dessus des difficultés et prenons pieds sur l'ultime pente neigeuse. Le soleil pointe le bout de son nez sur le haut de l'itinéraire. Les températures avoisinent certainement la dizaine de degrés et les couches textiles, en surnombre, se font sentir. A 14h, nous sommes au sommet. Kilian immortalise le moment avec son drone. 


La mer de nuages s'étend à perte de vue. Au loin, nous apercevons cette ligne dépourvue de précisions, où le blanc de la terre se mêle au blanc du ciel. Aucune frontière distincte ne sépare ces deux corps si ce n'est celle de notre imagination. Quelques cimes semblent néanmoins avoir vaincu la morosité du ciel.  Le trio Dent de Crolles - Chamechaude - Granier représente fièrement la Chartreuse, celui de Meije - Barre (des Ecrins) - Dômes (des Ecrins) se révèle en mettant à l'honneur le charisme des Ecrins. D'autres sommets encore plus lointain dressent courageusement leur silhouette à travers l'épaisse fourrure blanche.

Devant cette scène, une harde de chamois déboule sous nos yeux. L'ascension ne pouvait pas mieux se clôre que de cette manière. Quel bonheur d'avoir parcouru cette voie sauvage sans aucun accroc et avec une équipe de choc !

Une journée simple et efficace (pas comme nos révisions).

Merci les gars ;)