Ben Nevis - Aventures écossaises

Ça y est, notre bolide est prêt. Après trois heures de Tetris pour faire rentrer tous nos bagages, chaque recoin de la voiture est exploité. Jusqu’à présent, rien d'extraordinaire pour une veille de vacances… Mais pour une fois, c’est l’air marin qui nous appelle. La recette est simple :

  1. Prenez un groupe de copains
  2. Echangez leurs maillots de bain contre de bonnes Ultrashell® CIMALP
  3. Troquez leurs claquettes contre des paires de crampons
  4. Ajoutez quelques piolets, cordes et bibelots en tout genre
  5. Assaisonnez d’une bonne paire de gants, d’un réchaud et de nouilles chinoises
  6. Saupoudrez d'une bonne dose de courage
  7. Mélangez le tout et le tour est joué !

              Pas besoin de long-courriers ni de jets privés, la Dacia Sandero sera la clef. Notre soif d’aventure (ou l’évaporation de nos finances) nous a poussé à prendre la route depuis la France pour rejoindre l’Ecosse et plus précisément le Ben Nevis. Dans cette aventure follement givrée, Paul et Tim seront mes compagnons de route et de cordée. En chemin, nous faisons la connaissance de Matthieu qui fera également partie de cette drôle de bambée.

              Sur place, un bon p’tit groupe d’alpyrénéens nous attend. Nos soirées promettent d’être animées !

              Pour le moment, 20 heures de conduite nous attendent et il va falloir être créatifs pour les occuper. Parce que les images parlent d’elles-même, Tim a condensé 35 heures de voyage dans un petit court-métrage.

              LE GRAND BAIN

              Arrivés la veille à Ballachulish, nous ne pouvons pas nous retenir d'aller tâter le terrain et découvrir ce massif gelé qui nous fait rêver !

              Il pleut des cordes mais au vu de ce qui est annoncé le reste de la semaine, nous ferons avec. Et puis après tout, les gouttes de pluie n'ont jamais tué personne ! 

              Les écossais l'ont bien compris puisque lorsque nous arrivons sur le parking de la Face Nord du Ben à 9h, nous avons la surprise de découvrir qu'il est plein. Les scottish sont de sortie et nous aussi ! Ce n'est pas commun de partir à altitude 0 avec des piolets et un casque accrochés sur le sac. Pourtant ici, personne ne semble étonné, preuve que nous sommes au bon endroit. Ben Nevis HERE WE GOOOO ! 

              Les deux heures d'approche jusqu'à la CIC Hut permettent à nos jambes de se dérouiller après 1200km entassés entre les bagages. Équipés de nos capes de pluie, nous n'avons jamais été si heureux de marcher sous un temps pareil. Le ciel se déchaîne : pluie et vent se liguent contre nous. Déséquilibrés tantôt à droite, tantôt à gauche, Dame Nature nous souhaite la bienvenue. Le ton est donné.

              Nous sommes impressionnés par les alentours. Aucun arbre à l'horizon. L'herbe verte, dominée par le vent, fouette violemment le sol. L'eau draine les sentiers sans jamais déborder. La cohabitation environnement/climat semble avoir atteint son apogée. Les conditions cataclysmiques contrastent avec l'apaisement émanant de ces lieux encore tant préservés. La montagne est stoïque. En tant que petits grimpeurs fragiles, nous devons trouver notre équilibre dans cette ambivalence aussi déroutante que fascinante.


              GOOD FRIDAY CLIMB

              L'idée est avant tout de prendre nos marques et de découvrir le coin. Pour cela, nous choisissons GOOD FRIDAY CLIMB, une petite goulotte dans INDICATOR WALL.

              La rivière sous la CIC Hut est déchaînée et la traverser n'est pas une mince affaire ! Après ça, nous faisons une pause au chaud pour essorer nos vêtements et s'équiper. 

              Les nuages enveloppent le massif, ce qui ne nous permet pas de voir l'entièreté de la face. Après 1200 mètres d’approche, nous sommes au pied de la goulotte. L’excitation est à son comble. Les premiers coups de pioche retentissent et ont une saveur particulière après tant de kilomètres parcourus. 1h30 plus tard, nous sommes au sommet. Bien loin des montagnes que nous connaissons, l’immense plateau du Ben est recouvert d’une épaisse brume qui nous empêche de distinguer l’horizon, le ciel du sol… Nous sommes tellement chanceux de pouvoir vivre ce moment dès notre première journée ici. Nous voilà en haut du point culminant de l’Ecosse alors que nous étions au bord de la mer ce matin. Trouver la descente est le “crux” de la journée. Sans repères, nous tournons en rond en ayant pourtant l’impression d’aller tout droit. Notre ami Iphigénie finit par nous aider à trouver la descente. Les humeurs du ciel se dégradent et nous malmènent. Un arrêt pique-nique à la CIC Hut sera vécu comme un soulagement. Dans la bonne humeur, nous rentrons tranquillement à la voiture, trempés mais heureux. Il nous faudra plusieurs jours pour faire sécher les affaires.

              En tout cas, c’était un very good tuesday climb !

              TOWER RIDGE 

              Nous revoilà sur le sentier d’approche de la Face Nord du Ben Nevis. Le massif a revêtu son manteau blanc. Nous redécouvrons l’endroit avec autant d’émerveillement que la première fois. 

              Blanchis par la neige, nous poussons la porte de la CIC Hut. Là, écossais, français et suisses s’activent pour aller grimper. Dans ce refuge privé, les places sont chères. Il faut réserver longtemps à l’avance pour espérer avoir un lit. C’est pourtant la seule manière d’éviter de descendre à 0 mètre d’altitude chaque soir pour remonter le lendemain. Avec Tim, nous aurons la chance de toucher au confort de la CIC lundi soir ! En attendant, nous nous armons de patience sur le long sentier d’approche.

              L’arête principale du Ben, TOWER RIDGE, nous fait de l'œil depuis notre arrivée.Le topo a fini par nous convaincre en qualifiant la voie d’une des “plus belles ascensions du Ben Nevis”. Haute de 600 mètres, elle fait partie des plus longues voies du massif.

              Nous ne sommes pas déçus du voyage ! Des ressauts de mixte entrecoupés de pentes de neige, quasiment aucun équipement en place et une ambiance incroyable. 

              Le ciel se déverse sur nous toute la journée. Les températures ont chuté et la pluie a laissé place à la neige. Cette sortie au sommet est semblable à la première. Vent et brouillard nous chassent rapidement du plateau. Nous ne sommes pas près de voir la mer depuis le sommet… Peu importe, le moment demeure magique. L’énorme corniche de Gully 4 (couloir de descente) est la dernière difficulté de la journée. Après ça, nous redescendons dans la vallée pour retrouver le reste de la troupe ! Encore une belle journée avec les copains :)

              RAEBURN’S BUTTRESS ORIGINAL

              Ce matin, le ciel du Ben se surpasse : pas un nuage à l’horizon. Pour la première fois du voyage, la face Nord du Ben est dégagée. Les sommets alentour se dévoilent également. Nous découvrons avec fierté l’imposante arête de Tower Ridge gravie quelques jours auparavant. Pour l’occasion, nous choisissons de partir dans Raeburn’s Buttress Original, une voie mixte de 500 mètres en TD/M5 max. La ligne est visible depuis le bas : un couloir encaissé qui raye la face.

              Dès les premières longueurs, nous nous rendons compte que les cumuls de neige ne nous faciliteront pas la tâche. Tim passe devant pour déblayer le chemin dans les troisième et quatrième longueurs. Se protéger convenablement s’avère être une tâche complexe dans ce terrain (merdique). Eh oui, le mixte écossais, c’est tout un art !

              Au pied de la longueur 4, les belles fissures glacées m’appellent. Je repasse devant. Avant ça, je jette un coup d'œil au topo, chose que je regrette aussitôt : “très difficile”, “passage surplombant”, “impressionnant”... De quoi se mettre dans de bonnes conditions psychologiques et partir sereine. Les encouragements des garçons me portent jusqu’en haut  de la longueur. Tout y passe : ancrages foireux, coincements de corps et rétas baleine. Il paraît que le style est secondaire et que l'important c’est de passer. Ouf… Nous voilà rassurés ! 

              Tim poursuit par une impressionnante traversée qu’il négocie comme un chef. Paul, notre couteau suisse, s’assure de la bonne humeur des troupes. Nous remontons ensuite l’étroite goulotte finale jusqu’en haut. Le crépuscule colore les environs. 

              L’arrivée au sommet est spectaculaire. Le temps s’arrête, la pression s’évacue. Les mots deviennent superflus et seul le bruit du silence règne dans les parages. Aucun nuage n’accroche le sommet et la vue sur la mer est suffisamment rare pour être mentionnée. Noyée dans un océan bleuté, la montagne s’assombrit et nous chasse de ses flancs. Il est temps de rentrer. Cette nuit c'est sûr, nous ferons des rêves glacés !


              POINT FIVE

              Des instants figés, des corps frigorifiés et des vêtements détrempés,

              De la neige feutrée, des lignes lustrées et du brouillard épais,

              Pour la dernière fois, nous évoluons sur cette planète glacée. La chance nous sourit une fois de plus puisque l'approche se fait sous un ciel éclairé par les premières lueurs du jour. Pas le moindre air ne souffle dans le vallon. Pour clôturer le séjour, nous partons dans Point Five avec Tim : un culte des lieux. 

              Nous comprenons vite pourquoi ! Sa ligne, à la fois évidente et encaissée, raye la face Nord du Ben. Nous l'avions repérée dès notre arrivée. 

              Malgré de gros spindrifts dans les premières longueurs, nous profitons de chaque instant. Nos derniers coups de pioches écossais nous permettent d'atteindre une ultime fois le sommet, après un passage mémorable de l’ énorme corniche qui encercle le plateau. Dernier câlin, derniers clichés et dernier pique-nique au sommet.

              Paul et Mat nous attendent en bas, à la CIC Hut. Repas gastronomique au menu : soupe lyophilisée, pâtes chinoises et barres de céréales. La nuit sera plus mouvementée pour eux que pour nous mais nous redescendons tous ensemble le lendemain dans une ambiance apocalyptique. Le séjour se finit comme il a commencé : trempé. La boucle est bouclée.

              EN GUISE DE CONCLUSION

              Mon cher Ben, 

              Nous avons adoré passer quelques temps dans ton réfrigérateur. Nous garderons en mémoire les humeurs de ton ventilateur. 

              Sois-en assuré, ses souvenirs glacés seront pour toujours conservés au frais.

              Nos chemins se séparent pour de nouvelles contrées mais ton sommet reste à jamais gravé. 

              Grâce à toi, on s'est fait des nouveaux copains. Ils sont vraiment givrés et on se marre bien.

              Nous te remercions pour tes lignes glacées et les missions réalisées.

              Qui sait, peut-être qu'un jour on pourra se retrouver... 

              Un grand merci à toute la troupe qui a rendu ce voyage unique. Les relations humaines restent et resteront ce qu'il y a de plus beau dans ces activités de montagne. 

              Merci aussi à Cimalp qui finance une partie du voyage et sans qui rien n'aurait été possible.

              Mention spéciale à Vivien qui a eu la merveilleuse idée de tous nous réunir et à Tim qui a immortalisé ces moments tout au long du séjour.


              Topos C2C des voies réalisées :

              Good Friday Climb

              Tower Ridge

              Raeburn's Buttress Original

              Point Five Gully