Météores - Grèce

Le printemps pointe le bout de son nez depuis quelques semaines, les journées s'allongent et les températures grimpent en flèche. On sort les débardeurs et les shorts, on retourne en falaise et surtout... c'est bientôt les vacances d'avril ! Seulement voilà, la météo fait des siennes en France ; l'excuse parfaite pour s'absenter quelques temps et faire un tour à l'autre bout du continent.

Athènes

En plein cœur de la nuit, nous sommes brutalement catapultés sur le sol grec. Trois petites heures ont suffi pour traverser l'Europe, l'acclimatation est assez soudaine.

L'alphabet grec est aussi indéchiffrable que des hiéroglyphes. Au vu du niveau d'anglais des grecs (proche de zéro) et du nôtre (négatif), arriver à bon port promet d'être une grande aventure !


Les Météores

Après avoir expérimenté les transports en commun grecs, nous débarquons à Kalambaka. Deux kilomètres de marche nous séparent de notre destination finale, nous n'avons jamais été aussi proche ! Boostés par l'excitation, nous filons en direction des Météores.

Le chemin est grandiose ! Des immenses tours de conglomérat, tombées de nulle part, forment un rempart autour du petit village de Kastraki. Nous sommes à la fois fascinés et intimidés à l'idée de grimper ces géants de pierre. L'avantage d'arriver à pied, c'est que nous avons le temps de les apprivoiser.


Entre les monastères perchés aux sommets des falaises, l'odeur de viande grillée qui embaume les quartiers et les tortues qui se baladent dans les rues, le dépaysement est total !

En poussant la porte du restaurant Paradisio, nous rencontrons Vangelis Bastios, le propriétaire des lieux.

Sans le savoir, cette rencontre allait donner une toute autre tournure à notre séjour dans les Météores. 


Vangelis Batsios 

Discret au premier abord, c'est à cet homme que l'on doit la majeure partie des voies dans les Météores. Dès nos premiers échanges, nous nous rendons compte que ce type est une véritable encyclopédie humaine. Il a grandi ici et connaît le coin comme sa poche. Pompier et moniteur d'escalade à ses heures perdues, il a répertorié l'ensemble des voies de la région pour en faire un topo complet et de grande qualité : "Best Of Classics". Autrement dit, il connaît chaque voie par cœur, au spit près.

Après une mise en jambe dans Pillar of Dreams (voie historique du coin) et Efialtis (signée Vangelis), nous décidons de tenter une voie plus ambitieuse. 

Eurêka, 7b max, 200m. Voilà tout ce que l'on sait. 

Elle raye la face du Pixari et trace une ligne directe entre la terre et le ciel. Aucune vire n'offre de moment de répit, c'est raide, plein gaz !

Cette face nous a tapé dans l'œil dès notre arrivée à Kastraki. Aux allures de mini El Cap, elle surplombe le village. Sa raideur écrasante donne le vertige.

Hugo ouvre le bal et part dans la première longueur. A peine a-t-il posé ses doigts sur une prise qu'elle casse net. Ça donne le ton de la journée : nous grimperons sur des œufs ! La qualité médiocre du rocher demande en permanence de la vigilance. Même les longueurs plus faciles requièrent de la concentration, sous peine d'arracher une prise et de finir 15 mètres plus bas...

Deux longueurs en 7b, pas de jaloux : chacun aura le droit au sien, ce qui nous évitera le traditionnel chifoumi.

Chaque mouvement est un pari silencieux. Nous tentons de répartir au mieux la charge sur nos quatre appuis en espérant que rien ne cède. La chute ne fait pas rêver !


Au sommet, la vue s'ouvre sur bon nombre de monastères perchés, spectateurs silencieux de notre élévation.

Nous trouvons le petit carnet des ascensions, glissé dans une boîte au sommet, et y ajoutons nos noms. C'est la tradition ici. La mémoire de chaque tour est contenue dans ces petits calepins d'altitude, que chaque grimpeur s'est occupé de remplir au fil du temps.

Tourner les pages pour remonter les années. Les premières ascensions répertoriées du Pixari datent de 1999 ! Nous nous rendons compte qu'il existe une voie plus facile sur la droite de la face. C'est elle qu'emprunte la plupart des grimpeurs pour atteindre ce sommet. Toutes les ascensions depuis plus de 20 ans tiennent sur quelques pages à peine… Nous prenons conscience de la chance que nous avons d'être ici. Vangelis nous apprendra, le soir venu, que nous sommes les 7èmes répétiteurs d'Eureka. 

Les notes des ouvreurs à l'ouverture

Le panorama sur l'ensemble des Météores est grandiose ! Nous sommes observés par les tours qui encerclent le Pixari. Assis sur les rochers brûlants, nous partageons une barre, un cadeau après ces 4 heures de labeur. Les oiseaux virevoltent au-dessus de nos têtes.

Si le bonheur à l'état pur existe, il pourrait se résumer à ce moment, où le quotidien paraît si loin qu'on ne peut que savourer l'instant présent, le cerveau en "mode off". 

De retour sur la terre ferme, l'odeur des grillades embaume les parages, comme une promesse de réconfort. La nuit sera claire et les étoiles veilleront sur nos deux petits corps fatigués.

L'aventure ici touche à sa fin. Chargés comme des mules, nous quittons les Météores en nous tournant une dernière fois vers cette armée de géants endormis. Il est maintenant temps de découvrir les belles falaises de Kyparissi, dans le Péloponnèse. Cap vers le sud, la tête remplie de souvenirs :)